Le bief de Bagneaux-sur-Loing continue de faire la Une de l'actualité avec une pollution d'envergure. Cette portion du canal du Loing en Seine-et-Marne est touchée par une pollution depuis le 25 octobre. Très vite, les élus et les pêcheurs ont constaté les dégâts, prévenu les autorités, enlevé les cadavres de poissons, sauvé ceux qui pouvaient encore l'être. Une première plainte contre X a été déposée par le maire de Bagneaux, il a été le premier à réagir dans notre émission #Gardonslapeche sur YouTube. Aujourd'hui, avec un peu plus de recul, c'est le président de la fédération de pêche de Seine-et-Marne qui témoigne. Il sortait tout juste d'une réunion avec la sous-préfecture quand nous l'avons joint au téléphone dans la soirée du lundi 4 novembre.
Au dernier bilan de la pollution du canal du Loing, on était à plus de trois tonnes de poissons morts. Où en est-on aujourd'hui ?
Philippe Gavelle : "Au départ pour le ramassage, vous aviez le personnel de la mairie de Bagneaux, VNF, les pompiers, la fédération, les associations de pêche locales... On mettait les poissons dans une benne, on faisait des rapides calculs à vue de nez, mais aujourd'hui les chiffres qui sont sortis sont approximatifs. On doit approcher de la tonne facilement, mais vous dire officiellement qu'on a ramassé 1, 3 ou 5 tonnes c'est compliqué. On va faire le calcul approximatif mais il y a aussi plein de poissons qu'on ne voit pas, qui tapissent le fond, morts. VNF a fait des largages d'eau dans les biefs en-dessous et des poissons, vivants ou morts, sont passés. Maintenant il y avait de gros poissons, de vieux poissons, c'est malheureux. Une catastrophe. Je suis à la fédération depuis les années 80, président depuis 2019 et je n'avais jamais vécu une pollution de cette ampleur".
La mortalité continue, les opérations de sauvetage se poursuivent ?
Philippe Gavelle : "A un moment donné il y a une euphorie, de X ou Y, qui viennent, et les réseaux sociaux qui partent en javel... puis l'euphorie retombe. Et il reste les AAPPMA, les riverains, la fédération. Là on ramasse encore du poisson, en moindre quantité. Il y a une benne qui part demain (mardi) à Atemax (entreprise d'équarrissage). Et surtout on va vider les biefs. Les pompiers surveillent la DCO (demande en oxygène chimique). Un canal doit avoir 9-10 de DCO, on est tombé en-dessous de 5, seuil de mortalité des poissons. Donc le but est de diluer au maximum cette eau [pauvre en oxygène] dans le Loing qui a un beau débit. Mais ça se fait tout doucement, à très faible débit pour ne pas impacter la rivière. On va éliminer comme ça la pollution. C'est suivi par les pompiers et VNF. Les bénévoles, les associations, la fédération récupèrent les poissons morts et les mettent dans les bennes. Voilà le travail qu'on fait depuis le 26 octobre, week-end compris, jour férié compris, la fédération était là tous les jours. Ca va durer un certain temps. On attend qu'il y ait 60 à 100 cm d'eau. Après on va mobiliser d'autres fédérations comme le Loiret, l'Essonne, l'Yonne, l'Aisne, l'Oise... L'objectif est de mutualiser le matériel et l'humain pour une pêche électrique, une pêche de sauvegarde. On espère récupérer encore du poisson vivant. Et VNF devrait s'occuper des cadavres sur le fond par curage". [note : détail des opérations à retrouver sur le site de la préfecture].
Il y a eu une vraie mobilisation des bénévoles, des pêcheurs parfois venus de loin pour sauver des poissons. Avec parfois les moyens du bord, mais cette mobilisation est à souligner ?
Philippe Gavelle : "Oui, une grosse mobilisation des pêcheurs. Après il faut faire attention à ce qu'on fait. On ne doit pas faire n'importe quoi. Il y a une méthodologie à respecter, une organisation à mettre en place. Aujourd'hui on a besoin des pêcheurs pour ce genre de mobilisation. La jeunesse, la fougue, c'est bien, mais il faut faire attention".
Vous faîtes allusion au fait que la fédération de pêche de Seine-et-Marne a été un peu pointée du doigt par certains sur les réseaux pour son manque d'implication sur le terrain ?
Philippe Gavelle : "Il y a déjà des gens qui sont un peu revenus sur leurs positions. Ils n'ont pas la vision du système. On ne fait pas sur un coup de tête ce qu'on veut comme on veut. C'est dommage, mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Il y a des procédures, des interlocuteurs à consulter. Il y a un préfet, un sous-préfet, les services de l'Etat. On ne fait pas ce qu'on veut. Mais la fédération était là dès le début, avec les moyens qui sont les notres. Si j'avais 25 personnes, elles seraient les 25 sur le terrain. Il faut qu'on soit structuré, ce n'est pas un reproche en soi, on n'est pas contre ces gens, mais il faut qu'on se structure pour qu'on soit écoutés, respectés, et qu'on puisse prendre en compte nos constatations lors du volet judiciaire. Car on va porter plainte. J'aurai pu le faire dès le deuxième jour mais là on était dans l'urgence. Je ne voulais pas faire le buzz. Notre intérêt c'est que ça aboutisse alors il faut bien le faire".
Le SDIS et l'OFB mènent des campagnes de prélèvement pour tenter de trouver l'origine de la pollution. Il y a une enquête judiciaire menée par le parquet de Fontainebleau. Quels sont les résultats ?
Philippe Gavelle : "On a trouvé du sucre dans l'eau. On connait le produit qui a causé la mortalité. Maintenant il faut trouver le responsable. Il y a des suppositions, et sans dévoiler des secrets, il y a eu d'autres pollutions moindres par le passé avec le même produit et ça venait de la sucrerie [de Souppes-sur-Loing, NDLR]. Aujourd'hui tant qu'on n'a pas de preuve on ne peut accuser personne. C'est l'affaire de la justice. Ce n'est pas notre rôle, nous on doit sauver un maximum de poissons, d'apporter un maximum d'éléments, et ensuite on ira défendre l'intérêt de nos pêcheurs. Et puis dans un troisième temps, il y aura des indemnités, petites ou grandes, on ne les attendra pas car ça peut être très long. Donc on ira trouver des moyens auprès de la région, du département, des communes de l'Agence de l'Eau pour restaurer les milieux et redonner aux pêcheurs le plaisir de pêcher dans le canal".