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Le pati géant, un gros moustachu d'Uruguay

Les pêcheurs du monde entier ont souvent affaire au grand ordre des siluriformes et poissons-chats puisqu’il représente près d’un quart des espèces de poissons vivant sur notre planète. Pourtant, aussi nombreux soient-ils, seule une petite quinzaine d’entre eux sont véritablement de grande taille, c’est-à-dire supérieure au mètre à l’état adulte. Ces derniers sont souvent de grands prédateurs et sont bien connus des pêcheurs voyageurs. Si on leur parle de ceux présents en Amérique du Sud, ce sont sans nul doute les surubis (« Pseudoplatystoma spp »), le pirarara (« Phractocephalus hemioliopterus ») ou encore le piraiba (« Brachyplatystoma filamentosum ») qui seront évoqués. Pourtant, dans le vaste estuaire d’eau douce qui sépare les côtes argentines de celles de l’Uruguay, vit un gros moustachu que bien peu de pêcheurs connaissent. Rencontre avec ce « patí gigante » comme on le surnomme localement.

C'est peut-être la principale raison qui explique que ce poisson ne soit pas plus célèbre : sa zone de distribution finalement très petite. Il ne vit que sur le bassin du Rio de la Plata, et encore faut-il ne s’intéresser qu’à la partie la plus en aval pour trouver les plus gros individus qui lui valent son surnom de géant. Le Rio de la Plata est un milieu très particulier, considéré par certains comme un fleuve et par d’autres comme un estuaire, un golfe, voire une mer épicontinentale. Ce qui est certain, c’est qu’il apparaît sur les cartes comme une énorme entaille de près de 300 km de long dans la côte ouest de l’Amérique du Sud. On pourrait imaginer cet espace totalement envahi par les eaux salées de l’océan Atlantique, mais les fleuves Paraná et Uruguay qui l’alimentent en venant y jeter leurs eaux et leurs sédiments sont si puissants et si réguliers que ce golfe reste la propriété exclusive et permanente des eaux douces. Ces dernières sont très turbides et leur coloris marron n’offre quasiment aucune visibilité.

Les grands patís vivent dans le vaste estuaire du Rio de la Plata.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Look typique du poisson-chat

La silhouette du patí ne trompe pas et on sait, dès le premier coup d’œil, qu’il appartient à l’ordre des siluriformes. Son corps musculeux porte une large tête qui est fendue d’une énorme gueule. Les mâchoires sont dotées de lignes de petites dents très nombreuses et orientées vers l’arrière, tout comme notre silure glane. Grâce aux chromatophores (cellules pigmentaires) qu’elle contient, sa peau, nue et dépourvue d’écaille, brille d’un étonnant bleu plomb irisé de reflets rosés et violacés. Elle est recouverte d’un épais mucus extrêmement glissant qui le protège notamment des attaques des dorados fréquentant également les lieux. Ses huit nageoires sont toutes dépourvues de rayons épineux, ce qui rend les manipulations moins périlleuses. La nageoire adipeuse est très étendue et sa caudale, homocerque et très fourchue, est particulièrement développée, ce qui laisse imaginer la puissance des grands sujets. Ses yeux sont logiquement tout petits lorsqu’on vit dans une eau aussi trouble, et sa vue médiocre est compensée par la présence de six grands barbillons dont les plus longs font presque toute la longueur du corps. Les patís sont ornés d’élégantes ponctuations sombres sur le dos et les flancs, surtout les gros sujets, d’où leur superbe devant l’objectif.

Un géant du Rio de la Plata.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Écologie et comportement du patí

On sait finalement assez peu de choses sur cette espèce. C’est nettement un poisson de fond qui apprécie les eaux turbides, profondes et les courants lents à modérés. En Argentine comme en Uruguay où j’ai eu l’occasion de le découvrir, tous les guides sont d’accord pour dire qu’il disparaît totalement du golfe lorsque les eaux deviennent trop fraîches. Bien qu’en période de disette il soit capable de faire ventre avec à peu près tout ce qu’il juge comestible, il est clairement un carnivore avec des goûts marqués pour la prédation de nombreuses espèces de poissons plus petites que lui.

Les « anguilas », une anguille locale de petite taille, très utilisée pour la pêche au vif.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Pêcher le patí

On peut espérer prendre un patí tout au long de l’année, mais sa véritable saison de pêche correspond à l’été, c’est-à-dire entre les mois d’octobre et d’avril puisque nous sommes dans l’hémisphère sud. C’est entre décembre et avril que se capturent les plus grands spécimens. Il est un poisson très populaire pour les pêcheurs argentins et uruguayens, notamment en raison de la haute qualité de sa chair qui fait qu’il est rarement relâché, également pour la situation géographique de son aire de distribution qui le met à portée des deux grandes mégapoles de Buenos Aires et Montevideo. Il est possible de le pêcher de la rive, en particulier depuis les quais et les pontons qui permettent au pêcheur de bord de trouver du fond. Les résultats sont alors meilleurs de nuit. Mais c’est la pêche en bateau, en dérive, avec des appâts ou des vifs qui reste, de loin, la plus productive, en nombre et en taille. L’odorat étant un paramètre essentiel dans sa recherche de nourriture, certains pêcheurs utilisent des abats de viande rouge (comme le cœur ou le foie de bœuf) en état de décomposition plus ou moins avancée pour escher leurs hameçons. Mais ce sont sans nul doute les vifs, des petites anguilles et murènes (anguilas et morenas) si souvent utilisés dans cette partie du monde pour rechercher les carnassiers et notamment le dorado, qui seront les plus productifs. Le cascarudo, un petit poisson-chat très résistant et à écailles ossifiées qui lui donnent un air cuirassé, est, lui aussi, souvent mis à contribution. La stratégie de pêche et les montages associés n’ont rien de compliqué. Il s’agit d’une traditionnelle plombée avec une simple olive coulissante. Malgré sa grande taille, le patí n’engame pas facilement les vifs, et il y a de nombreux faux départs ou ratés au ferrage. C’est probablement pour cela que la plombée est toujours très légère (jamais plus de 20 g) malgré les courants parfois soutenus et qu’il est nécessaire de mettre beaucoup de ligne entre l’embarcation et le montage (jamais moins de 50 m). Les profondeurs les plus productives sont celles comprises entre 5 et 8 m. Les guides insistent beaucoup sur la nécessité de faire des ferrages appuyés et répétés, même après avoir engagé la bagarre faisant suite au premier ferrage. C’est vrai que les décrochages sont nombreux, surtout en début de combat.

Une grande gueule armée de nombreuses petites dents.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

Records à battre

Une fois piqué, le patí est un adversaire vigoureux, puissant et endurant. Et je peux vous confirmer, expérience à l’appui, que les patís gigantesques (de 15 à 20 kg) feront prendre aux blanks de vos cannes des courbures plus que généreuses et qu’ils vous obligeront à plonger le scion dans les eaux marron du fleuve à plusieurs reprises avant de se laisser glisser dans le filet de votre grande épuisette… Le record IGFA du patí (Luciopimelodus pati) a été établi à San Fernando, en Argentine, en 2018, mais avec ses 2,27 kg, il n’est pas du tout représentatif des poids que peut atteindre cette espèce. Cela signifie simplement qu’aucun pêcheur n’a pris le temps de faire les déclarations. J’ai moi-même capturé des sujets de près de 20 kg en partant justement de San Fernando, situé seulement à quelques dizaines de kilomètres au nord de Buenos Aires. Je n’ai pas non plus fait l’effort des déclarations à l’IGFA, alors, record à battre : à vos cannes !

Un patí pris au vif.
Crédit photo : Fabrice Chassaing

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