J'ai souvenir de discussions où des pêcheurs de bass inconditionnels, sûrs de leur modèle, avaient constaté la même chose lors de sessions dédiées aux brochets en Irlande. Comme souvent avec les pêcheurs aux leurres, la messe était dite et la catégorie des glidebaits était reléguée dans une boîte au garage, en prévision d’un éventuel voyage au Portugal ou en Espagne à la recherche des black-bass. Les expériences nouvelles étant réservées aux nouveautés, ils avaient peu de chances de revenir sur le devant de la scène ! Mais ça, c’était avant. Avant que mon sponsor ne me demande de me consacrer à un nouveau modèle. Avant que je ne le teste sérieusement et ne me plie au jeu. Avant que je ne prenne de gros poissons avec et m’aperçoive que j’avais commis une erreur puis que je change d’avis. Les gliders peuvent être de bons leurres à brochets, et même surclasser de nombreuses autres catégories dans certaines conditions.
Quid des glidebaits
Les glidebaits sont des leurres durs, articulés en deux sections. L’articulation se trouve en général au milieu du leurre mais peut aussi être un peu décentrée vers l’arrière. Leur look est souvent très imitatif, pour prolonger logiquement une nage naturelle très particulière en « S ». Ils nagent la plupart du temps à proximité de la surface dans un style qui les distingue des leurres à plusieurs sections ayant une nage très fluide, les swimbaits. En partant à droite et à gauche comme un poisson cherchant sa direction, ils imitent de façon très réaliste une proie nonchalante ou moribonde. Contrairement aux jerkbaits qui possèdent une taille relativement standard, les « gliders », tout comme les « swims », évoluent dans des fourchettes de taille extrêmement vastes. Du Freddy Catwalk 125 (Illex) au Slide Swimmer 250 (Deps), il y a 150 g d’écart et un univers d’application.
Si de nombreux glides nagent près de la surface, il existe bien entendu des modèles coulants, et il suffit de toute façon d’un sinker pour changer sa densité et la couche d’eau dans laquelle il opère. Le Super Shadow Glide (Rapala, vous aurez deviné la nouveauté…) est d’ailleurs pourvu d’un système de sinker qui se visse sur le ventre afin de changer la densité du leurre (et donc sa vitesse d’immersion) sans le déséquilibrer. À mon sens, une des principales forces des glidebaits est leur capacité à déplacer beaucoup d’eau, dans un ballet très visuel, sans la « heurter ». Je m’explique : un jerkbait qui nage alternativement à droite et à gauche de sa ligne de déplacement va provoquer beaucoup de déplacements d’eau. Mais il le fera de façon brutale et agressive en interpellant violemment la ligne latérale des carnassiers. Si cette approche déclenche beaucoup de touches d’agressivité, elle peut aussi parfois être inhibitrice. Ainsi, une animation trop bruyante ou violente peut « caler » un poisson méfiant ou éduqué. En offrant une nage ample et puissante mais beaucoup plus douce, en offrant des gros signaux visuels et vibratoires mais peu agressifs, le glidebait peut gommer ce problème : le meilleur des deux mondes ? Ainsi, les glidebaits trouvent une niche très intéressante dans leur application lors de journées difficiles où les poissons semblent mordeurs mais sont méfiants. Je pense bien sûr aux zones très pêchées, mais aussi aux eaux très claires par exemple. Ils sont aidés en cela par leurs coloris très imitatifs qui vont dans ce sens.
Le grand écart !
Mais, à l’inverse, je les ai aussi trouvés redoutables en pêchant de façon très agressive… Il nous dit tout et son contraire, me direz-vous… Pour revenir au début de l’histoire, comprenez que j’ai recommencé à pêcher au glidebait lorsque Rapala m’a demandé de « travailler » sur le Super Shadow Rap Glide. Cette extension du Super Shadow Rap que j’aime tant était prometteuse et offrait de plus un atout de poids : la même gamme de coloris. C’est donc tout naturellement en début d’année en Irlande que j’ai attaqué les premiers tests. Les eaux étaient froides et les poissons réagissaient bien aux animations agressives. C’est de toute façon toujours une bonne période pour les jerks bruiteurs (de type Buster Jerk). Si mes premiers lancers n’ont rien donné, j’ai enregistré mes premières touches en accélérant sérieusement. Je me suis alors rendu compte que ces leurres pouvaient être très « puissants » si on leur imprimait une récupération soutenue, accentuée éventuellement par des mouvements de canne. Les glides ont été particulièrement efficaces dans cette période « post-spawn » durant laquelle les brochets sont agressifs avant de rejoindre leurs postes habituels. L’efficacité de cette animation s’est peu à peu estompée avec l’avancée de la saison, et j’ai retrouvé une efficience intéressante (c’est-à-dire à mes yeux, qui fait la différence avec d’autres techniques ou d’autres leurres) plus tard durant le printemps, notamment lorsque la pêche était devenue globalement plus difficile et que les jerks (particulièrement efficaces cette année à cause des eaux froides) marquaient le pas. C’est en retournant à ces animations plus minimalistes et moins agressives qu’ils ont fait de nouveau parler la poudre.
À travailler au moulinet
J’en ai déduit que les glidebaits avaient plusieurs cordes à leur arc et qu’ils pouvaient répondre à des situations bien différentes. Pour résumer, je les ai trouvés surprenants en période de frénésie, avec des actions puissantes et rapides. Mais ce sont également d’excellents leurres en période difficile avec des animations beaucoup plus lentes (mais toujours avec cette capacité à présenter de façon très visuelle un leurre de beau volume de façon assez discrète en matière de vibrations). C’est en fonction de l’animation que va donner le pêcheur que le leurre exprimera tout son potentiel et qu’il répondra à tel ou tel pattern et, à ce sujet, les glidebaits sont assez particuliers. En effet, si la plupart des jerks et jerk minnows s’animent à la canne, je pense que les glides seront optimisés si, comme avec un swimbait, vous « travaillez » avec le moulinet ! En regardant un glidebait, on voit très vite que la nage en « S » peut être accentuée par un léger petit twich (coup de scion). Pourtant, étant donné sa conception, ce leurre n’a pas besoin de cette impulsion pour exprimer son potentiel. Son unique articulation a pour conséquence de mettre en opposition à chaque virage les deux parties du corps qui sont perpendiculaires l’une à l’autre. Ainsi, à chaque traction, la queue va pousser le nez dans l’autre direction et se re trouver à 90° de sa position initiale, entraînant une nage en « S » assez mécanique. Ce va et-vient permanent, même s’il est très visuel, n’est pas aussi fluide que la nage coulée d’un swimbait. L’action mécanique est un petit peu plus saccadée et il suffit de faire un quart de tour avec la manivelle du moulinet pour que la queue du leurre propulse le nez du leurre dans l’autre direction. Attention, j’ai dit « quart de tour », mais c’est une façon de parler. Selon le ratio de votre moulinet, le leurre en lui même et la distance de pêche (et donc de la longueur de bannière sortie), il se peut que ce soit un demi-tour ou un peu plus.
Savoir rendre le leurre vivant
Toujours est-il qu’à partir de cette action, il est possible de jouer avec son leurre et de le rendre particulièrement vivant, lors d’une danse tout à fait unique. C’est d’ailleurs dans cette nage complètement atypique que les glidebaits trouvent leurs lettres de noblesse et se distinguent vraiment de toutes les autres catégories. L’orientation de votre canne, comme toujours, influera sur la profondeur de nage. Une canne pointée vers le ciel favorisera une nage près de la surface alors qu’un scion orienté vers le bas incitera votre leurre à descendre davantage. Une fois que votre canne est calée, avec une position favorable au ferrage (c’est-à-dire en minimisant au maximum l’angle de la canne et de la bannière), c’est à vous de faire vivre votre leurre au moulinet. Une petite rotation de manivelle et votre leurre changera de direction. Vous pouvez alors enchaîner les pauses et les petites tractions. Il s’ensuivra une nage très lente et très saccadée avec un leurre qui regarde tantôt à gauche et tantôt à droite. Peut-être un peu à la manière d’un poisson qui cherche une proie à gober en surface ou qui ne sait pas trop où aller. Il est possible d’enchaîner de temps en temps une courte récupération afin de finaliser une séquence d’attaque. Cette façon d’opérer est redoutable sur les pêches de postes, car elle permet de rester longtemps sur la strike zone tout en ayant un leurre qui pêche. Dans ce cas, les modèles peu coulants sont bien sûr les meilleurs. Redoutables sur des poissons méfiants ou dans des eaux très claires. Il ne faut pas hésiter à « jouer » près des frondaisons ou des bois morts où s’embusquent les carnassiers (ils s’y sentent plus en sécurité), car ce jeu visuel mais très statique est une bonne façon d’optimiser une strike zone courte.
Au-dessus des herbiers
Pour des pêches en pleine eau, au-dessus des herbiers par exemple (je pense encore une fois aux eaux claires et tièdes de la belle saison), j’alterne une récupération très lente avec une récupération saccadée entrecoupée de pauses. Là encore, vous passerez lentement au-dessus d’un brochet qui ne manquera pas d’avoir repéré cette proie potentielle et qui ne résistera pas à sa nage provocante et inhabituelle. C’est d’autant plus vrai que le coloris sera particulièrement imitatif. Pour les pêches plus puissantes dont je parlais au début, j’ai gardé cette animation au moulinet en imprimant plusieurs tours consécutifs assez rapides. On peut encore accentuer ce mouvement en effectuant un petit twitch, mais c’est en fait rarement utile. La nage en « S » est alors bien marquée et très puissante. Le leurre déplace beaucoup d’eau et envoie de puissantes vibrations « longues ». De celles qui font tant réagir les lignes latérales des brochets. Entrecoupées de longues pauses, qui finaliseront la séquence d’attaque, ces récupérations soutenues seront redoutables. À utiliser par eaux froides, en début de saison ou lors d’un bon coup de vent en plein été, de ceux qui mettent les brochets en folie !
Un leurre efficace et versatile
Vous l’aurez compris, par cette palette d’animation, les glidebaits sont en fait des leurres assez versatiles utilisables une bonne partie de la saison. Au printemps, durant l’été ou sur les premiers coups de froid de l’automne, ils sauront être efficaces. Mais ils ont aussi la capacité de répondre à de nombreuses configurations de postes. Je les aime au-dessus des champs d’herbiers, sur ces fameux plateaux où se regroupent les poissons blancs mais aussi sur toutes les pêches de postes où, encore une fois, les strike zones sont courtes (c’est peut-être dans cette configuration qu’ils sont les meilleurs). Enfin, à défaut d’un jerk ou d’un swimbait plus classique, ils sauront montrer les muscles s’il le faut (c’est comme cela que je les ai préférés mais c’est sans doute dû à ma « jerko mania » inguérissable et au fait que j’ai pris les plus gros brochets avec ce leurre). Cette diversité d’application est renforcée par l’immense gamme disponible, notamment au niveau des tailles. Les petits modèles peuvent clairement rentrer dans un pattern de downsizing lorsque la pêche est plus que compliquée, alors que les plus gros modèles sauront assouvir la soif de bigbait des pêcheurs qui ne descendent pas en dessous de 200 g ! Tout le monde trouvera son bonheur et chaussure à son pied dans ce petit univers. Il faudra bien sûr utiliser un matériel à l’avenant, mais tout le monde peut trouver son compte dans cette catégorie qui, pour finir, si elle est destinée à la base au black-bass, intéresse aussi le brochet mais également les perches et même les sandres en été sur les postes de chasse peu profonds ! J’écris rarement sur des catégories de leurres que je n’utilise pas. J’aime faire des retours d’expériences sur des techniques que j’emploie régulièrement afin de transmettre quelque chose de solide. Les glidebaits échappent un peu à la règle, car c’est une catégorie que j’ai (re)découverte cette année, avec amusement et circonspection. Si vous les utilisez peu, je vous incite à franchir le pas, car il y a de fortes chances qu’ils vous aident à faire de belles pêches, et cela quel que soit votre état d’esprit en matière d’approche (bigbaits ou leurres plus conventionnels) et quelles que soient les configurations de vos secteurs (petits ou grands milieux, fleuves ou plans d’eau). Il paraît qu’il n’y a que les ânes qui ne changent pas d’avis !
Le choix des coloris
Sur de nombreux leurres qui visent à déclencher des touches en jouant sur l’agressivité du brochet, je n’hésite pas à préconiser des coloris « flashy » qui vont dans ce sens. Pour les glidebaits, j’ai plutôt aimé les coloris naturels qui renforcent le côté imitatif d’une proie. Ainsi, ils seront encore plus efficaces s’ils « collent » à la prédation du moment (poissons blancs en train de se reproduire, perches abondantes, petits black-bass, gros gardons, petites carpes en maraudes, etc.). Les gammes proposées par les fabricants ne s’y trompent d’ailleurs pas et regorgent de coloris tous plus beaux les uns que les autres. Toutefois, attention, ces leurres sont souvent haut de gamme et les glidebaits sont plutôt chers. Les best-sellers du marché valent des dizaines d’euros et il faudra prendre le temps de sélectionner les bons modèles sous peine de casser son PEL...