Comment expliquer que les condi tions climatiques influencent l’acti vité des poissons et du brochet en particulier ?
Quentin Dumoutier : L’effet de la météo sur la pêche est un sujet qui a fait et fera toujours couler beaucoup d’encre et pour cause : la météo a un effet indéniable sur l’activité des poissons. Mais celui-ci n’est pas toujours le même en fonction du contexte. Comment s’y retrouver ? Il faut d’abord comprendre qu’il n’y a pas de météo « miracle » qui rendrait tous les poissons actifs. Ce qui rend les carnassiers agressifs, et capturables, c’est l’opportunité de s’alimenter efficacement. Commençons donc par le début, et par comprendre ce qui se passe sous l’eau à cette période.
Où sont postés les brochets en fin d’été et quelles sont leurs tactiques de chasse ?
Q. D. : La fin d’été est une période charnière car elle marque la fin de l’opulence pour les poissons blancs, dont se nourrissent les carnassiers et le brochet en particulier. Durant l’été, gardons, ablettes, rotengles et autres petits poissons blancs sont en pleine activité. Ils disposent de planctons à foison, d’algues à brouter et d’invertébrés à consommer dans les herbiers qui leur servent à la fois de garde-manger et d’abri protecteur. Dans ces conditions, les brochets chassent à l’affût. Ils restent immobiles la plupart de la journée, se déplaçant uniquement pour changer de secteur. Les phases d’activités sont souvent courtes, ciblées et les phases de repos assez longues. Quand les schémas de pêche sont trouvés dans ces conditions, il est possible d’obtenir des résultats réguliers, en ciblant les secteurs stratégiques de chasse du brochet, et en y passant régulièrement. Les résultats peuvent être bons dans ces conditions, mais ils sont rarement exceptionnels. Une météo stable favorise cette routine, qui peut durer tout l’été.
Que se passe-t-il en automne, qu’est-ce qui change sous l’eau et quelles sont les conséquences ?
Q. D. : L’arrivée du mois de septembre, et plus particulièrement de la seconde moitié du mois, marque la fin progressive de ce schéma. Tout d’abord, le plancton régresse sous l’effet de la diminution de la durée du jour, puis disparaît presque complètement à la fin. Les végétaux aquatiques cessent de croître et commencent à se dégrader. Ils disparaîtront presque complètement d’ici le début de l’hiver. Le poisson fourrage dans ces conditions perd progressivement gîte et couvert. Non seulement il devient plus difficile pour lui de s’alimenter mais il devient aussi plus périlleux de se déplacer dans un réseau d’herbiers de moins en moins protecteur. Cette situation va augmenter les opportunités de chasse du brochet, et créer davantage de possibilités de les pêcher.
Et la météo dans tout ça ?
Q. D. : Elle va jouer sur le rythme de transition. Si la météo est stable et reste douce et ensoleillée, cette transition va se faire progressivement et la pêche va s’améliorer lentement. Il convient dans ces conditions de se rapprocher des bordures d’herbier et de profiter des premières occasions de pêcher au cœur des trouées qui se créent. Les pêches de surface sont pleinement d’actualité ainsi que les techniques rapides de pêche à l’aide de leurres à fortes vibrations. Spinnerbaits, chatterbaits, crankbait ou même l’indémodable cuillère tournante sont irremplaçables pour faire sortir les brochets des herbiers persistants.
La situation décrite ressemble un peu à un été indien, mais si un coup de froid ou de vent arrive, que se passe-t-il ?
Q. D. : Si le temps se dégrade brusquement, comme le dit l’adage, temps exceptionnel, résultats exceptionnels ! Je rajoute personnellement « exceptionnellement bon, ou exceptionnellement mauvais ». Car le changement de temps va faire évoluer rapidement la situation, au risque de ne pas retrouver les poissons. Le vent, s’il est suffisant fort pour déplacer l’eau, va arracher les herbiers, brasser l’eau et soulever des particules qui vont activer l’alimentation du poisson fourrage. Une opportunité à ne pas rater pour les brochets qui vont chasser activement et être davantage capturables. Mais pour en profiter, il faut être là au bon moment, et trouver où sont ces secteurs. Il convient d’être inventif et de ne pas hésiter à prospecter large, pour retrouver la pêche. Commencer par les postes qui étaient productifs les semaines précédentes puis élargir progressivement la prospection en périphérique est une stratégie souvent gagnante. Le gros temps, la pluie et le vent sont des alliés qui vont brouiller les signaux et faciliter notre approche.
En fin d’automne le froid s’installe, cela provoque-t-il des modifications du comportement du poisson fourrage et des carnassiers ?
Q. D. : En grand lac, l’arrivée du froid et le vent vont conduire à un refroidissement de la couche d’eau chaude et à son épaississement. On passe ainsi à 10-15 m d’eau très chaude, à progressivement 20, 25 m voire davantage d’une eau plus tiède. Le fourrage trouvant de moins en moins de plancton pour se nourrir, se regroupe en très gros bancs, ce qui est à double tranchant pour la pêche du brochet. Tant qu’il ne fait pas trop froid, le fourrage esquive les chasses du carnassier. Les brochets, souvent en groupes, peuvent ainsi être très énervés et rester actifs longtemps. Lorsque le froid s’installe plus durablement, le fourrage est de moins en moins mobile et se laisse plus facilement prédater. C’est la facilité pour les brochets dont les phases alimentaires sont plus efficaces et donc plus courtes. Le carnassier est moins disposé à dépenser de l’énergie pour s’alimenter et la pêche devient de plus en plus complexe. Le gros temps constitue là encore une occasion de casser cette routine et de retrouver ponctuellement une bonne qualité de pêche mais rien n’est durable. Ainsi, si on doit résumer la stratégie de pêche du brochet pendant le mois de septembre : profitez du temps stable tant qu’il dure, mais ne ratez pas le premier changement de temps !