Si l’on m’avait dit il y a quatre ans que je pêcherai le sandre avec des têtes plombées de 50 à 60 g, j’aurai bien rigolé. Finesse et discrétion étaient alors de mise pour les pêches verticales et les lests de 21, voire 27 g, constituaient le maximum. Notez que si l’on m’avait dit il y a vingt ans que je taquinerai le brochet avec des leurres souples de 200 g et des poissons nageurs de 30 cm, ma réaction aurait été la même. On est loin des Rapala originaux et autres cuillers Lusox que l’on utilisait alors. Comme quoi, autre temps, autres mœurs, il faut s’adapter.
L'avènement Live
Pourquoi ai-je donc alourdi mes têtes plombées pour chercher ces grands percidés ? Tout simplement à cause des nouvelles sondes Live. Comme tous les autres utilisateurs de cette nouvelle génération de sonde et d’échosondeur, j’ai dû augmenter le poids des têtes plombées afin de conserver le leurre le plus à l’aplomb du bateau pour qu’il soit bien visible dans le cône de la sonde. On peut alors distinguer la moindre animation et il est également possible de voir les carnassiers, sandre en priorité venir rendre visite au montage. Parfois, il se jette goulûment dessus, mais force est de reconnaître que le plus souvent, il fait demi-tour. Agaçant certes, mais instructif ! Si j’utilisais encore mes têtes en 21 ou 27 g, mon leurre évoluerait entre 6 et 10 m derrière le bateau. D’autant que ces nouvelles sondes Live nous permettent d’aller chercher des poissons dans d’autres secteurs, notamment dans les veines d’eau marquées en temps de crue, et là les choses se compliquent encore plus pour conserver le leurre dans une zone de 3 à 4 mètres sous le bateau en remontant un fort courant.
Remise en question
Il a donc fallu s’adapter, fouiner pour trouver des têtes plus lourdes, à l’image de Vincent Rollet, vice-champion de France lors de l’édition 2023 de la Mercury Fishing Cup. « Je suis équipé d’une sonde Live depuis quatre ans maintenant. Je suis sponsorisé chez Garmin depuis 2015 et j’ai vu arriver ce type d’ équipement avec intérêt. Au début, je voulais conserver ma pêche en diagonale, avec un angle de 45 ° et un leurre assez décollé. Cette technique est très prenante sur le bord des veines d’eau. Mais le souci, c’est que le leurre n’ était pas du tout visible dans le cône de détection de la sonde. J’étais plusieurs mètres derrière le bateau. J’ai donc cherché des têtes plus lourdes, mais à l’époque les têtes de 40 g n’étaient pas courantes. On trouvait des modèles dédiés aux pêches lourdes en mer mais avec un point d’attache situé trop à l’avant et avec un mauvais équilibre pour la verticale. Puis certains fabricants ont entendu la demande des pêcheurs et l’offre a explosé. Aujourd’ hui, ma boîte contient des modèles allant jusqu’à 120 g, c’est le maximum. »
Des formes diverses
Ainsi que le précise Jean Baptiste Morel dans son interview, il est important d'adapter la forme de la tête au leurre souple. En fonction de la profondeur, de la puissance du courant, de la forme du leurre, finesse ou shad, le poids et la forme de la tête doivent évoluer. « Je péchais déjà majoritairement avec des leurres de type finesse, reprend Vincent. En ce qui me concerne, et sur la Saône, ils m’offrent plus de touches que les shads. J’alterne parfois avec des gros grubs, comme le X Layer Curly de Megabass ou le Zeel de Gunki. Mon choix se porte sur de gros modèles, 7“ au moins. Cela n’empêche pas de prendre des poissons de 60 cm, mais ça les fait vraiment plus réagir! La couleur importe assez peu, c’est un peu subjectif. Il faut varier, essayer, mais je pense que la présentation et l’animation jouent plus que la couleur du leurre. En revanche, certains jours, les sandres vont bien réagir à une tête pointue qui fend l’eau et qui est plus discrète alors que d’autres fois, ils aiment une tête ronde qui pousse de l’eau vers l’avant et doit envoyer plus de signaux.Il n’y a jamais de règle absolue avec ce poisson. »
Un armement spécifique
Contrairement à Jean-Baptiste qui n’utilise qu’un hameçon triple fixé assez proche de la tête plombée, Vincent aime jouer sur la longueur de son empile. « Je n’utilise que de la tresse pour confectionner mes empiles. La longueur est réglable, ce qui me permet en fonction de la forme du leurre et des touches de positionner idéalement mon triple. J’utilise des hameçons solides mais assez fins de fer. Ils ne sont pas très gros, à peine plus larges que le corps du leurre. Je n’utilise que des têtes à visser ou avec un ergot métallique qui se plante dans le corps du leurre et j’assure la tenue avec un point de colle entre le leurre et la tête. Je n’utilise aucune tête avec un hameçon simple. Il est trop gros, pas assez piquant et si le sandre ferme la gueule dessus, cela peut nuire au ferrage et risque de masquer les pointes du triple placé derrière. »
Les conseils de Jean-Baptiste Morel, champion de France de pêche du carnassier en bateau
Pendant longtemps, la pêche en verticale a été associée aux têtes plombées de forme dart ou sabot. Mais leur faible grammage limite cette pratique pendant les crues, période de frénésie des sandres. Il y a quelques années, Nicolas Noël, mon coéquipier lors de la Mercury Fishing Cup 2023, s’est penché sur le problème. Il habite sur les bords de la Marne et il était confronté une bonne partie de l’hiver à cette problématique « de poids » pour la pêche du sandre en rivière en crue. Cette rivière est assez étroite à l’entrée de Paris et possède un courant très fort où une tête plombée standard ne tient pas le fond en verticale. Nicolas s’est tout de suite orienté sur les têtes à visser que l’on retrouve dans la pêche du sandre en pélagique en lac. Il est parmi les premiers à avoir pêché en verticale lourde avec des succès immédiats.
Adapter la tête
Pour ma part, j’utilise ce type de têtes depuis deux saisons lors des crues. Les grammages importants permettent de pêcher des veines d’eau que personne ne tentait auparavant. Les pêcheurs hollandais, allemands et français en pélagique ont développé des gammes allant de 5 à 100 g. On peut donc piocher facilement dans cet arsenal. En plus des forts grammages, j’utilise aussi différentes formes de têtes en fonction des types de leurres. Un Slick Finesse sans paddle ne va pas tirer dans le courant autant qu’un shad ou un Slick Fast qui a une caudale qui vibre très vite et tire plus. Il faut trouver chaussure à son pied ou plutôt une tête pour chaque corps. Plus le courant est fort et la profondeur grande, plus j’opte pour une tête pointue de type balle ou une forme de poisson qui sera très profilée. Si le courant est fort mais que la profondeur n’excède pas 2 m, une tête ronde fait l’affaire et pousse davantage d’eau. J’utilise en général les têtes Fox Rage Cork Screw de forme « bullet » ou Pelagic ronde. J’aime aussi utiliser les modèles Quantum et nous travaillons chez Fox Rage en ce moment sur une tête Pelagic et Verticale de ce genre, avec une petite révolution en plus, mais c’est encore secret! On peut adapter la couleur de la tête avec le coloris du leurre et surtout l’humeur des sandres. On le sait, pour prendre ce poisson correctement piqué au fond de la gueule, il faut mettre bout à bout un certain nombre d’éléments, taille de leurre, coloris, poids, couleur de la tête et vitesse de dérive ! Ce percidé est très caractériel !
Un seul triple
Comme le bar, le sandre attaque en majorité la tête de ses victimes. Un simple armement d’un triple en tête fait l’affaire. J’utilise un modèle en taille 4/0 sur une chaîne d’anneaux brisés et un émerillon pour le coté 360°. J’utilise un hameçon Fox Rage inspiré du modèle Claw Treble Quantum, qui possède deux ergots à planter dans le leurre afin de laisser les trois branches du triple libres et ne pas en sacrifier une dans le leurre. Je mets très rarement un triple voleur en queue pour deux raisons. La première, la plus importante, c’est que le sandre coffre souvent profondément le leurre et un deuxième triple serait fatal pour le poisson. L’autre raison, plus écologique et économique, c’est que lors de ces périodes de crues, on pêche souvent des zones encombrées de débris et la présence de deux gros triples annonce une disparition assurée de votre leurre dans l’obstacle. Qui dit lourdes têtes et gros hameçons, dit forcément cannes adaptées, car il va sans dire que nos petites cannes verticales sensibles, ne permettent pas de bons ferrages avec ce genre d’ensemble. Un modèle assez court, destiné au brochet, d’une puissance de 40 à 120 g est un minimum pour sanctionner un gros sandre avec un tel armement.
Quelques bonnes têtes plombées
Lors de mes récents tests, j’ai pu utiliser ces modèles de têtes plombées de marques diverses. Je n’avais pas encore interrogé Vincent Rollet et sa remarque sur les gros hameçons simples qui équipent ces modèles me font réfléchir pour la saison prochaine. J’ai débuté avec les têtes Offshore, Deep et X Deep de Fiiish . Elles sont pointues et bien équilibrées. Disponibles en 60, 90 et même 120 g. Cet hiver, j’ai pu tester les modèles Football Jig Head de Scratch Tackle. Il y a quatre coloris et des poids corrects de 35, 42 et 50 g. La marque propose aussi des têtes pointues VT Jig Head dans les mêmes poids. J’ai été séduit par les têtes Xorus Ultimate Eel Mat et Rolling Mat ! La finition de surface mate est splendide, et les yeux sont très bien réalisés. Disponibles de 7 à 90 g pour la première et de 7 à 150 g pour la seconde. Enfin, notre fabricant français PLP entreprise ne cesse d’innover dans ce domaine. Ses têtes VP S Screw comportent des finitions haut de gamme, plusieurs coloris, têtes à visser ou à coller, prix raisonnable. Bravo !