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Tout savoir sur les appâts à base de protéines d'insectes : la bouillette 4.0

Depuis juillet 2017, l’Union européenne a autorisé l’utilisation des farines d’insectes dans l’alimentation animale destinée à l’élevage de poissons, grâce au règlement (UE) 2017/893 de la Commission européenne. Ces farines présentent un profil nutritionnel remarquable, comparable à celui des farines de poissons, ce qui en fait une alternative particulièrement intéressante en raison de son caractère écologique et naturel. Il devient ainsi évident que cet ingrédient de choix peut être judicieusement intégré dans la conception d’appâts destinés à la pêche de la carpe, notamment en tant que source de protéines primaires pour la fabrication des bouillettes.

Si la pêche à la carpe symbolise l’innovation, celle-ci se manifeste principalement à travers l’évolution spectaculaire des appâts au fil des décennies. Notre attention se concentre particulièrement sur ce sujet, avec la bouillette, véritable emblème de l’imagination débordante des carpistes, au cœur de notre réflexion. En remontant aux années soixante, les pêcheurs de carpes obtenaient des résultats prometteurs en utilisant une sorte de pâte crue. Cependant, en raison de sa fragilité, cette approche présentait des lacunes en termes de tenue sur l’hameçon. C’est Fred Wilton, largement reconnu comme l’inventeur de la bouillette, qui a eu l’idée révolutionnaire de cuire cette pâte, donnant ainsi naissance à la bouillette telle que nous la connaissons au jourd’hui. De la période des premières bouillettes jusqu’à nos jours, nous avons été témoins d’une évolution fulgurante. Les premières bouillettes étaient construites à partir de protéines lactiques, affichant des taux de protéines records. Cependant, celles-ci ont engendré des problèmes de mortalité, et les résultats n’étaient pas à la hauteur des espérances. Face à un semi-échec, les années quatre-vingt-dix ont vu l’introduction des « crap baits », des bouillettes végétales sans grand intérêt, gorgées d'arômes. Peu coûteuses et relativement efficaces sur de courtes périodes, elles continuent de figurer encore aujourd‘hui dans les bouillettes d’entrée de gamme. Ce sont véritablement les années 2000 qui ont marqué l’arrivée de bouilettes bien élaborées, et surtout, efficaces sur le long terme. Les bouillettes BNV (Balanced Nutritional Value), élaborées à partir de farines animales telles que celles de poissons et de foie de volaille, ont offert une solution novatrice en fournissant aux carpes les protéines et les acides aminés nécessaires à leur croissance et à leur bien-être. Ces farines, largement utilisées dans les fermes aquacoles, ont démontré leur utilité et leur efficacité au fil du temps. Récemment, les fermes ultra-modernes, à la pointe de l’innovation, remplacent progressivement les farines de poissons par des farines d’insectes, une évolution structurelle étant donné la qualité exceptionnelle des protéines d’insectes pour l’alimentation des poissons, notamment des carpes.

Une solution novatrice que propose la société Rod Oliver en fournissant aux carpes les protéines et les acides aminés nécessaires à leur croissance.
Crédit photo : DR

Des fermes aquacoles les plus innovantes aux appâts pour la pêche de la carpe

Un nombre croissant d’ingénieurs spécialisés dans l’alimentation animale se consacrent à l’intégration des farines d’insectes, et les fermes aquacoles les plus innovantes à travers le monde adoptent cette pratique dans l’alimentation des poissons. La présence de spécialistes de haut niveau et la multiplication des recherches scientifiques dans ce domaine témoignent incontestablement de l’intérêt grandissant pour l’utilisation des farines d’insectes. Des publications scientifiques émanant tant de centres de recherche que d’universités sont régulièrement disponibles, et la plupart convergent vers la conclusion que les farines d’insectes sont particulièrement efficaces en tant que source alimentaire pour l’élevage des poissons. L’application de ces avancées à la science des appâts, plus spécifiquement aux bouillettes, s’inscrit donc logiquement dans une nouvelle direction de développement, rompant avec une stagnation observée au cours des deux dernières décennies dans le domaine de la fabrication des bouillettes. Pourquoi les farines d’insectes sont-elles intéressantes dans le cadre de l’alimentation des poissons et de la carpe en particulier ? Problématique actuelle : un bilan écologique désastreux. Dans les fermes aquacoles et la fabrication des bouillettes, l’utilisation massive des farines de poissons et de soja pose actuellement une problématique majeure. Ces farines engendrent d’importants impacts environnementaux négatifs, tels que l’épuisement des ressources (pêche de poissons pour nour rir d’autres poissons), des émissions de CO2 significatives dans le processus de transformation (7 fois plus pour la farine de soja par rapport à la farine de mouche noire soldat), une utilisation intensive d’eau (330 litres de plus par kilo par rapport à la farine de mouche noire soldat), une déforestation massive liée à la culture du soja, et enfin la présence importante de métaux lourds et de résidus pharmaceutiques dans les farines de poissons en particulier.

Production de larves dans une ferme aquacole.
Crédit photo : DR

Solution potentielle : les farines d'insectes

La culture des larves d’insectes et leur transformation en farine constituent en grande partie une réponse aux problématiques évoquées ci-dessus. Tout d’abord, la culture d’insectes requiert nettement moins de ressources en eau et en surface, ainsi que des émissions de CO2 réduites. De plus, l’élevage de larves d’insectes résout efficacement le problème de la valorisation des déchets organiques, notamment issus de la nourriture non consommée. En effet, les larves d’insectes sont nourries avec ces déchets organiques, ce qui permet d’utiliser des ressources abondantes de faible valeur et de générer des protéines à très forte valeur ajoutée. Par ailleurs, les insectes tels que la mouche noire soldat ne sont pas porteurs de maladies transmissibles, et les farines qui en résultent ne présentent aucune trace pharmaceutique. Tout un modèle d’économie circulaire et locale peut être exploité dans l’élevage d’insectes et leur transformation en farine. Dotées de cet avantage par rapport aux farines animales ou de soja, les farines d’insectes offrent en outre un profil nutritionnel exceptionnel, supérieur aux farines végétales et comparable aux farines de poissons. Elles se révèlent ainsi idéales pour intégrer l’alimentation des fermes aquacoles, mais également pour la fabrication d’appâts dédiés à la pêche de la carpe. Il convient de souligner que la carpe est principalement constituée de muscles, nécessaires à son mouvement constant. Contrairement aux mammifères, la carpe est un animal à sang froid, ce qui se traduit par des besoins énergétiques relativement faibles, car elle ne dépense pas d’énergie pour maintenir sa température corporelle. Ses besoins en glucides sont limités, étant peu présents dans le milieu aquatique. Ainsi, il est préférable d’éviter les appâts riches en hydrates de carbone, considérés comme des « anti-nutriments ». En revanche, la carpe a besoin de protéines, et surtout de protéines de qualité, c’est-à-dire assimilables grâce à un riche profil d’acides aminés essentiels. Par conséquent, les farines utilisées doivent être d’origine animale (y inclus d’insectes).

Une production qui ne cesse de grandir.
Crédit photo : DR

Profil nutritionnel des farines d'insectes

Dans ce contexte, bien établi depuis longtemps, les farines d’insectes surpassent les farines végétales en termes de qualité nutritionnelle, étant riches en protéines, acides aminés, acides gras essentiels, minéraux et vitamines, répondant ainsi parfaitement aux besoins nutritionnels des carpes, au même titre que les farines de poissons, par exemple. Cependant, il convient d’analyser en détail, car le profil nutritionnel varie en fonction du type d’insectes et de savoir si les farines ont été dégraissées ou non, tout comme c’est le cas avec les farines de poissons qui présentent également des constituants différents en fonction de l’espèce. Aujourd’hui, les insectes autorisés et utilisés dans l’alimentation des poissons d’élevage comprennent :

  • Ver à soie (Bombyx mori)
  • Mouche soldat noire (Hermetia illucens)
  • Mouche domestique (Musca domestica)
  • Ténébrion meunier (Tenebrio molitor)
  • Ténébrion obscur (Alphitobius diaperinus)
  • Grillon domestique (Acheta do mesticus)
  • Grillon rayé (Gryllodes sigilla tus)
  • Grillon des champs de Jamaïque (Gryllus assimilis)

Larves de mouches soldats noires
Crédit photo : DR

Parmi les farines d’insectes, celle issue des larves de mouches noires soldats offre le meilleur équilibre en termes d’avantages, de coûts et de qualité pour la fabrication d’appâts destinés à la pêche de la carpe. Les acides aminés présentent un profil très favorable. Les farines d’insectes sont hautement digestibles, atteignant un taux de 85-90 %, nettement supérieur à celui des farines végétales et comparable à celui des farines de poissons.

Riches en protéines, les farines d'insectes sont de plus en plus utilisées pour la pêche de la carpe.
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Comment sont produites les farines d'insectes ?

Prenons l’exemple de la farine de larves de mouches noires soldats. Les exploitations qui élèvent ces larves d’insectes utilisent des déchets organiques de faible valeur, tels que des épluchures de fruits et légumes, pour les nourrir, transformant ainsi ces déchets en protéines de très haute valeur ajoutée. Cette démarche démontre dès le départ une faible empreinte écologique et la création d’une économie circulaire vertueuse. Pour la transformation en farine, les larves sont séchées à une température basse de 60 degrés, soit par un four, soit, de manière préférable, par pulvérisation, afin de préserver tous les bienfaits nutritionnels. Elles subissent aussi un processus de dégraissage car les insectes sont naturellement riches en lipides. Sans cette étape, le taux de lipides serait excessivement élevé. En fin de compte, on obtient un taux idéal proche de 15 %. De plus, l’huile d’insecte n’est pas utilisable pour la confection des bouillettes, car elle fige à température ambiante. Les insectes constituent la base alimentaire de tous les poissons, y compris la carpe. Il est donc bien plus naturel pour la carpe de se nourrir avec une farine d’insectes. De plus, les farines d’insectes sont exemptes de métaux lourds, de résidus pharmaceutiques, notamment d’antibiotiques, contrairement aux farines de poissons et animales, ce qui les rend bien évidemment plus saines.

Il est conseillé de mettre entre 10 et 20% de farines d'insectes dans son mix.
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Les acides aminés

Le rôle des acides aminés est de permettre la synthèse des protéines. Ces protéines sont constituées de petites unités de structure, les acides aminés. L’organisme animal et humain ne peut pas synthétiser lui-même les acides aminés essentiels. Voi là pourquoi ces derniers doivent être apportés par l’alimentation. Il en va autrement des acides aminés non essentiels, que l’organisme (humain, poisson…) peut synthétiser lui-même. La situation est similaire pour les lipides, qui se composent en grande par tie d’acides gras essentiels et non essentiels pour les animaux. Il y a 9 acides aminés essentiels. Chacun d’entre eux joue un rôle important.

  • Histidine : impliquée dans la production de l’histamine, qui est importante pour la réponse immunitaire, la digestion et le sommeil.
  • Isoleucine, leucine et valine : connus sous le nom d’acides aminés à chaîne ramifiée (BCAA), ils sont indispensables pour la croissance musculaire et la récupération après l’exercice.
  • Lysine : primordial pour la crois sance et la réparation des tissus.
  • Méthionine : nécessaire pour la santé de la peau et autres tissus
  • Phénylalanine : capital pour la production de neurotransmet teurs comme la dopamine et la noradrénaline.
  • Thréonine : décisif pour la santé de la peau et du système immunitaire.
  • Tryptophane : indispensable pour la production de sérotonine, qui est impliquée dans la régulation de l’humeur.

Les études scientifiques présentent des variations en fonction des espèces et du type d’insectes concernant le taux d’inclusion dans l’alimentation des poissons d’élevage. En ce qui concerne la farine de larves de mouches noires, les fourchettes se situent généralement entre 10 et 20 % de la masse sèche. La plupart des études convergent vers l’idée que la quantité doit rester en dessous de 30 %, même si, dans certains cas spécifiques, des niveaux jusqu’à 60 % n’ont pas montré d’effets négatifs. Il est important de souligner que ces recommandations s’inscrivent dans le contexte de l’élevage, où l’amorçage vise à nourrir les poissons. En revanche, lors de la pêche, notre objectif est de les stimuler plutôt que de les nourrir. Pour l’inclusion d’insectes non transformés et donc entiers, il n’y a pas de limite particulière à prendre en compte.

Les pellets à base de farines d'insectes restent la solution afin de ne plus essoufler les ressources marines.
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Conclusion

D’une manière générale, les protéines d’insectes devraient occuper une place de plus en plus importante dans l’alimentation animale, compte tenu de leur intérêt croissant. Ces protéines se distinguent par leur richesse nutritionnelle, leur équilibre protéique, leur profil en acides aminés, et leur utilité écologique. Leur principal inconvénient réside actuellement dans leur coût, car les farines d’insectes de qualité sont environ dix fois plus onéreuses que les farines de poissons. Cependant, avec l’adoption croissante de ces protéines, de plus en plus de fermes d’insectes devraient émerger (le marché mondial des farines d’insectes représente actuellement 10 000 tonnes et devrait atteindre 500 000 tonnes d’ici 2030), entraînant une baisse significative des coûts au cours de la décennie à venir. En ce qui concerne la pêche de la carpe, les farines d’insectes pourraient progressivement remplacer les farines de poissons dans la composition des appâts. Cependant, des études suggèrent que l’utilisation conjointe des deux types de farines est plus efficace pour l’évolution des poissons, tant en termes de qualité que de fréquence des prises alimentaires. Ainsi, la seconde moitié des années 2020 pourrait marquer l’avènement d’une quatrième génération de bouillettes, une bouillette 4.0, élaborée principalement avec des farines d’insectes en tant que source principale de protéines, complétée par des farines de poissons en tant que protéine secondaire servant de marqueur et de complément nutritionnel. Un appât ultra-équilibré, riche en nutriments, attrayant, naturel et écologique : une avancée vers l’appât presque parfait.

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