Dans nos régions tempérées, les carpes sont sexuellement matures entre deux et quatre ans. Chez les mâles, les spermatozoïdes se forment dès l’automne et s’accumulent dans les deux lobules testiculaires afin d’être prêt à la saison de la reproduction. Pour autant il est courant de capturer des mâles spermiants bien après, jusqu’à l’automne suivant. Quant aux femelles, le développement des œufs est lié à la température de l’eau et se déroule en deux temps. La première phase de l’ovogenèse nécessite un cumul de 1 000 degrés-jours environ. Il faut ensuite que la température se stabilise durant cinq à six jours à une vingtaine de degrés (110 degrés-jours) pour assurer la maturation finale des œufs.
Un peu de biologie
Chaque année, en fonction de la météorologie et des régions, ces deux conditions peuvent être réunies dès mars bien qu’elles le soient plus généralement en mai-juin. Toujours en fonction de la météorologie et de plus en plus fréquemment avec les records de températures battus chaque année, il peut y avoir plusieurs fraies la même année. Les femelles produisent entre 100 000 et 250 000 œufs par kilo de masse corporelle. Il arrive que tous ces œufs, même matures, ne soient pas émis lors de la fraie. En règle générale, cela a peu de conséquences et le reliquat est naturellement résorbé. Plus rarement, ils constituent un bouchon qui bloque toute nouvelle ponte. La prise de poids qui s’ensuit est importante et peut atteindre 50% de la masse corporelle. Cette masse d’œufs peut s’avérer mortelle pour la carpe. Soit l’intestin est compressé et le poisson meurt d’inanition, soit le ventre finit par éclater. Le fait que les œufs compriment l’intestin, même en situation normale, peut contribuer à expliquer le manque d’appétit de ces dames à l’approche de la fraie… et leur fringale après !
Où les trouver au printemps ?
À l’approche de la période de reproduction, les carpes migrent pour se regrouper sur les frayères. C’est à peu près le même scénario tous les ans, sur les mêmes secteurs. Ce sont généralement les endroits les moins profonds et les plus chauds d’un étang ou d’un lac. Sur les plus petits plans d’eau, il y a souvent une seule zone de fraie, les plus grands en comptent plusieurs. Ce peut être un des bras du lac, au niveau de l’arrivée du cours d’eau qui l’alimente ou dans des baies enherbées. Lorsque la fraie bat son plein, les carpes perdent toute prudence et s’aventurent dans très peu d’eau. Il est alors facile d’estimer le cheptel et de repérer la présence de gros sujets sur une eau que l’on compte pêcher, même si tous les poissons ne viennent pas frayer en même temps.
Où les pêcher ?
Précisons qu’il n’y a plus, et depuis longtemps, de période de fermeture de la pêche des carpes. Ce n’est pas une espèce menacée. Raison de plus pour s’y essayer alors que celle du carnassier est souvent fermée ! Rien ne s’oppose donc au fait de les pêcher durant cette période, hormis votre propre éthique, voire les réserves temporaires mises en place dans certains départements jusqu’en juin, pour préserver les sandres sur les nids. Ceci dit, si vous envisagez de pêcher les carpes au paroxysme de la reproduction, je dois vous prévenir que vous risquez de vous casser les dents ! Contrairement aux sandres qui défendent les nids, les carpes auront la tête ailleurs et snoberont vos esches. Comme il est difficile de prévoir la date exacte, à son approche, je vous conseille d’anticiper le déplacement des poissons. Essayer de les intercepter plus ou moins en aval de ces zones, à l’entrée du bras où se trouve la principale frayère, voire à proximité du secteur où attendront encore quelques jours de plus certaines femelles (souvent les plus grosses) et où ne manqueront pas de passer celles qui, une fois leurs œufs libérés, repartiront et profiteront au passage de votre amorçage.
Le bon poste
Au printemps, avant la fraie, les carpes ont besoin de protéines pour fabriquer leur stock d’œufs. Comme la nature est bien faite, c’est aussi la période où la nature revit. Les jours s’allongent, le regain de luminosité fait pousser les herbiers dans lesquels les populations d’escargots (planorbes, etc.) se développent. Ces zones de faible profondeur où la lumière pénètre, favorisant à la fois la photosynthèse et le réchauffement, sont à privilégier. Lorsque l’on se promène autour d’un lac ou sur les berges d’une rivière, on remarque vite qu’il y a des secteurs plus ensoleillés, où la végétation se développe plus. Les carpes vont les fréquenter et c’est là que vous devez amorcer, idéalement avec des appâts protéinés. Vous devez bien comprendre qu’elles n’attendent pas après nous pour se nourrir. Si vous dispersez vos appâts là où elles ne sont pas, vous allez perdre votre temps et votre argent. Par contre, si vous leur facilitez la tâche en leur mettant sous le nez des appâts qualitatifs en quantité suffisante, vous devriez arriver assez facilement à en capturer quelques-unes.
Stratégies d’amorçage
Il y a deux approches en matière de pêche de la carpe et de stratégies d’amorçage : soit amorcer régulièrement et copieusement dans le but d’accoutumer et de fixer les poissons et espérer en prendre beaucoup, soit à l’inverse pêcher pour un poisson à chaque fois. La première permet de couvrir une large zone en étalant les appâts pour intercepter et intéresser le plus de poissons possible et les obliger à être mobiles pour chercher leur nourriture, en jouant sur la concurrence alimentaire. Plus les carpes se nourriront ainsi, plus le pêcheur aura de chance. il faut arriver à trouver la « juste » quantité pour enclencher cette concurrence. Le second choix consiste à leurrer un poisson, puis un autre. Il faut limiter l’amorçage à sa plus simple expression (une chaussette soluble de pellets accrochée à l’hameçon) et accentuer le signal visuel de l’esche. C’est ce qu’on fait en eschant une bouillette flottante jaune fluo qui sera la seule chose que pourra, souvent par curiosité, gober la première carpe venue. C’est souvent plus rapide pour avoir une touche.