Les sites du groupe Info6TM

Pêche pas la Loire, y'a que des saucisses !

Voici le genre des nombreuses remarques que j’ai reçues lors de mon arrivée dans la Nièvre il y a dix ans, alors que j’annonçais à quelques amis mon intention d’attaquer ce fleuve. L’ancienne vidéo des frères Mahin, où Michel enchaîne une horde de petites carpes sur une journée en Loire y est peut-être pour quelque chose.

POUR MA PART LE CONSTAT EST TOUT SIMPLEMENT MERVEILLEUX. Me voilà, fraîchement arrivé dans la région, pêcheur de rivière, sur un fleuve quasi totalement déserté par les carpistes locaux, y compris sur les quelques secteurs de nuit… J’ai tout à découvrir et je ne vais pas me gêner. Nostalgie oblige, il y a bien vingt ans, plusieurs pêcheurs m’avaient parlé des poissons de ce fleuve, surpuissants et torpillés.

Je m’étais toujours promis d’y tremper les fils, histoire de faire ma propre opinion : je n’ai pas été déçu. Nous allons au cours de ces quelques lignes, par le biais d’excursions et de citations halieutiques, casser certaines idées reçues et concocter toutes les choses à mettre en place pour réussir sur cette eau sauvage. Je tiens à préciser que j’ai pêché, ces dernières années, un tronçon d’une cinquantaine de kilomètres aux alentours de mon domicile et qu’il me faudrait plusieurs vies pour y percer le dixième des secrets de cette zone jonchée de mystères. J’aime penser que les poissons ont probablement des comportements différents selon les nappes d’eaux aval et amont, mais qu’ils gardent dans leurs instincts, leurs agissements et leur sustentation certaines similitudes.


PREMIER CONTACT
Il a bien fallu commencer quelque part et la sélection du premier lieu s’est faite au gré des quelques heures de prospection. Je n’ai jusqu’ici pas aperçu la moindre carpe, mais les crues de printemps sont passées et les dégradés de sable apparaissent dans une eau limpide, laissant transparaître la clarté des radiers et la noirceur des zones plus profondes. Pour cette première approche, je ne me suis pas compliqué la vie ; un poste très proche de la maison, accessible à pied, avec une avancée de sable. « Un cul de grève » comme on dit ici, qui laisse entrevoir une cassure progressive à 15 mètres de distance.

Je démarre, comme souvent en rivière avec deux cannes, une eschée à la graine et l’autre à la bille. Les deux pièges sont placés au pied de la cassure, espacés d’une quinzaine de mètres, la dépose se fait précisément en wadders. Niveau grammage, des plombs de 180 grammes devraient tenir sans problème… Grossière erreur ! La Loire est un fleuve puissant et dès cette première nuit je vais en tirer deux grandes résolutions.

1 - L’énergie développée par le courant est incroyable, elle comprime les bannières comme je ne l’avais jamais constaté avant ; je me levais toutes les demi-heures pour replacer les montages, comme sur une rivière en crue. La pêche au caillou perdu prend tout son sens. Il faut bien comprendre que son débit élevé ne facilite pas la pêche ; ce paramètre couplé à la faible profondeur moyenne en fait l’une des eaux les plus énergiques de l’Hexagone.


2 - À moins de chercher du vif à silure, réduire les graines car j’ai très vite enchaîné des chevesnes et des barbeaux. Malgré ces points négatifs (quoique, on ne perd pas, on apprend), je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit. Pas moins de huit carpes et un amour blanc viendront rejoindre le triangle. Tous les poissons étaient calibrés entre 7 et 10 kg et m’ont offert des départs et des combats fidèles à leur réputation (le tout sans amorçage préalable). Il faut bien l’avouer, les poissons ont une sacrée gouach ! À la prise de contact, une malheureuse commune de 8 kg peut vous infliger une branlée mémorable ! J’apprendrai par la suite avec l’expérience que cette nuit-là, la Loire était sur « on » car je n’ai jamais refait autant de touches que lors de cette première fois…

Un cadeau, comme un appel à revenir. Le fleuve m’avait npiqué et il n’y a pas de vaccin pour y échapper. Paradoxalement, la seconde nuit sur ce poste, quelques jours plus tard, se soldera par un capot franc, net et sans bavure et avec le lot de questions qui en découlent… J’aurai dû pêcher à la graine, ne pas pêcher au caillou perdu et j’en passe… On se remet toujours en question quand on n’attrape rien. À bon ou mauvais escient, le tout est de se poser les bonnes questions pour en tirer les bonnes réponses. Un ami, ancien guide de pêche me disait toujours : « Tu as beau tout noter, tout prendre en compte, la météo, les pressions, les frénésies, les orages… Rien ne remplacera le fait d’aller à la pêche avec la confiance, quelle que soit l’issue. »


Chaque poste a sa particularité. J’ai en mémoire un « trou » où je ne faisais que des coups du soir avec mes amis Fred et Romain. La magie de ce poste opérait lorsque l’on entendait les petits poissons blancs sauter. D’un coup en une fraction de seconde, toujours dans les mêmes heures, l’eau passait du calme plat à des turbulences de frétillements effectuées par ces milliers d’alevins ; nous savions que dans les minutes qui suivaient, un détecteur allait hurler. En revanche, pas de sauts de « menus fretins », pas de touches… et malheureusement pour nous, le fleuve a repris ses droits car au fil du temps avec les crues, ce poste s’est ensablé et nous ne connaîtrons plus ce moment magique où tout d’un coup nous nous taisions. Nos regards se croisant dans une semi-obscurité, un sourire malicieux apparaissait sur nos visages au début des frétillements d’alevins qui annonçaient l’ouverture du bal pour lequel nous étions venus. Sur un autre poste où nous pêchions avec Fred, une veine d’eau à la sortie d’un tas de bois, nous savions que si les silures étaient présents dans le tas de bois, nous ferions des carpes.

À l’inverse, pas de présence des silures pas de carpe dans le triangle. Sur un troisième poste, une digue en pierre, il fallait obligatoirement passer par la case chevesnes et barbeaux avant de prendre les carpes. Du moins au début, car à l’heure actuelle il nous arrive de prendre directement des carpes… Bien entendu, nous avons tiré ces conclusions sur ces différents spots au fil du temps, et par l’observation et l’écoute de la nature. Et je suis prêt à parier qu’en scotchant cette eau, vous trouverez des indices qui vous aideront à prendre plus de poissons. Mais il est temps de refermer cette légère tirade d’anecdotes et de revenir à cette digue de pierre sur laquelle j’ai effectué ma troisième nuit.


LE STREET FISHING N’EST PAS TROP MON TRUC
Je préfère de loin m’échapper sur une île en mode Robinson, mais cette digue m’inspire. Elle offre une belle fosse de 3 à 4 mètres de profondeur, sur plusieurs centaines de mètres. Il faut ajouter que c’est bien encombré avec des éboulis de pierres, des souches immergées et quelques bancs d’herbiers (jussies rampantes et myriophylles). En retournant les cailloux et les herbiers en bordure, la nourriture naturelle est très présente et variée.

Gammares, larves de dytiques, escargots tigrés, limnées et bien sûr des corbicules ; toute cette faune et flore aquatiques apportent inévitablement du zooplancton et du phytoplancton… bref il y a un vrai garde-manger, ça sent la carpe. Je fais le choix cette fois de jeter un peu de came à la flotte. Deux amorçages à la bille pure sur deux jours préalables à la nuit de pêche rejoindront le dessous du miroir. 20 heures : je suis en place, tout est prêt et je m’attends à une cascade de départs. Il n’y a pas de raison, le poste est préparé avec un bon demi-kilo de billes.

Les deux cannes sont placées stratégiquement dans le tombant de la fosse sur une potentielle autoroute à carpes constituée de graviers et petits cailloux séparant les blocs rocheux et le lit de sable. 23 h 30 : après avoir passé plus de 3 heures à me faire des noeuds au cerveau je décide de mettre « la viande dans le torchon » afin d’arrêter de psychoter sur mon approche. Minuit, impossible de dormir… On connaît tous l’excitation de pêcher un poste pour la première fois. J’ai toujours les yeux ouverts rivés sur ma centrale, et cette dernière émet quelques bips… Sursaut sur le bed chair, rythme cardiaque qui s’emballe, « sans affolement » je sors voir la canne concernée. Quelques mètres me séparent de la badine. Je pose un genou à terre en observant le scion qui sautille légèrement ; quelques secondes passent et d’un coup sec la canne se cintre pendant que le moulin crache de la tresse à vive allure. J’ai un départ en live, génial ! Je prends tout de suite contact et subit une grosse pression.

Le poisson sonde et remonte doucement le courant en cintrant ma puissante 3,5 lbs. L’expression du combat est totalement différente des poissons que j’ai pris il y a quelques jours. La lourdeur et le manque de vigueur me font penser à un silure. Après quelques sondages en aval et en amont le poisson se décide à décoller rapidement du fond devant mes pieds ; un dos crève la surface et je suis surpris pour deux raisons. C‘est bien une carpe et surtout là y’a poisson ! Je mets dans le filet une vieille et grosse miroir marquée par le temps et ses conditions d’existence, seul sur cette digue de pierre, heureux comme un gamin qui sort d’un magasin de jouet en ayant fait fumer la carte bleue des parents. La légende du fleuve à saucisses est infirmée ! Il y a de beaux et gros poissons en Loire, dans ma filoche j’ai une saucisse de Morteau ! ,Je ne vais pas vous raconter toutes mes nuits sur le fleuve, mais juste vous citer le plus gros combat que j‘ai subi, s’ensuivra une brève synthèse d’approche couplée à une « règle de 3 » avant de conclure


LE GROS FIGHT
J’ai « pris cher » sur un coup du soir de deux heures avec mon pote Romain, sur le poste des alevins annonciateurs de runs, cité ci-dessus. Nous pêchions avec une canne chacun, à proximité d’un arbre immergé, frein très serré, au cul des cannes. Les discussions halieutiques allaient bon train, nous échangions comme souvent nos convictions communes autour d’une cervoise locale. Le silence s’était brisé d’un coup sur l’eau par le biais de nos amis les alevins clapoteux et nous savions pertinemment que la touche n’allait pas tarder. Habituellement sur ce poste nous interceptons fermement les poissons piqués avant qu’ils ne se retournent dans le courant pour rejoindre l’obstacle. Assis derrière nos cannes nous avons pour habitude de scruter la moindre tape et de réagir en conséquence, parfois même avant que le détecteur ne râle.

Mais cette fois, malgré le frein quasi fermé, la carpe a plié le scion et est partie en « tout droit » direction l’obstacle ; au préalable j’avais sauté et empoigné ma canne en comprimant au maximum, main gauche sur le spigot pour forcer la pression. Malgré cela « la folle » m’a sorti 15 bons mètres de tresse alors que la bannière était à fleur de rupture. Pour faire faire demi-tour à un poisson il faut travailler canne basse. C’est ce que je fais depuis le début du contact, mais rien à faire, le bras de fer en limite de rupture a duré deux bonnes minutes (croyez-moi c’est long) et le pire c‘est que je le perds, car cette furie est rentrée dans l’obstacle… Inconcevable de la laisser là-dedans. Je me jette à l’eau direction l’arbre mort dans lequel il m’aura fallu un bon quart d’heure de tricotage entre les branches et les racines (en y passant en plongée l’ensemble canne et moulin et carpiste) pour enfin épuiser ce puissant poisson… S’il existe de l’EPO pour carpes, cette miroir en avait abusé. C‘est de loin le poisson qui m’a le plus malmené par toutes les phases de sa défense et je vous souhaite à tous de vivre un combat comme celui-ci.


APPROCHER LE FLEUVE
La primordialité de la chose est, comme dans toute pêche, la localisation des poissons. Toute fosse, tas de bois, veine d’eau, bras mort, virage encaissé, digue, zone caillouteuse est source de tenue et ou d’alimentation. Une fois le poste choisi, quelques légers pré-amorçages à la bouillette pure feront l‘affaire. Inutile de benner copieusement, vous attirerez les blancs et par conséquent les silures. Plusieurs pêcheurs de silures emploient d’ailleurs cette technique. Ils attirent le blanc avec une bonne dose de pellets et posent leur vif dans le bouillon avec des résultats détonants. Il m’arrive même régulièrement de pêcher sans amorçage, juste avec une dizaine de billes autour du montage et ça fonctionne.

Les gros cyprins n’y sont pas tatillons, ils ne sont pas éduqués et aspirent nos offrandes avec générosité. En témoigne l’épaisseur de leurs lèvres. Parfois même on peut tomber sur des sujets avec de la corne sur le dessus du groin. Pas farouches elles retournent les cailloux pour dénicher les gammares et autres écrevisses ; un spot avec des cailloux retournés (côté blanc apparent et côté vert en contact avec le substrat) sera de premier choix. J’ai rencontré quelques pêcheurs qui faisaient souvent, à mon sens, l’erreur d’amorcer à l‘ancienne, soit copieusement avec des appâts de mauvaise facture en argumentant qu’au vu du nombre d’indésirables il était inutile d’amorcer avec des appâts de qualité.


LEURS RÉSULTATS ÉTAIENT SOUVENT AU MIEUX TRÈS ALÉATOIRES
N’oublions pas que la nourriture naturelle est très présente et que des appâts de qualité feront indéniablement la différence. Pour ma part j’ai l’immense chance d’avoir un partenariat avec un rouleur d’appâts de ma région. J’utilise des bouillettes riches en farines d’insectes aquatiques qui font des merveilles sur le fleuve ; cela dit, libre à vous d’utiliser des bouillettes de qualité en lesquelles vous avez toute confiance.

Les rouleurs artisanaux sont maintenant nombreux sur le territoire Français. Si vous choisissez d’opter pour les graines, il vaut mieux amorcer léger et ne pas hésiter à faire un long chapelet de 5 à 6 cm assez distant de l’hameçon pour réduire les touches de blancs. Aussi disgracieux qu’il soit, ce gros chapelet est prenant, d’autant plus s’il est équilibré. Du côté du matériel une vraie canne 3,5 lbs couplée à un moulin avec un frein puissant feront parfaitement le job pour contrer les rushs les plus furieux. En corps de ligne un gros nylon ou une tresse de 30 à 35 centièmes équipée d’une tête de ligne en gros nylon de 60 centièmes ira parfaitement, couplé à un gros plomb de 200 à 300 grammes pour les pêches de bordure ou les zones calmes. L’idéal restera un lest pierreux détachable. Il m’arrive régulièrement de déposer des caillasses de plus d’un kilo pour que ça tienne dans le bouillon ; auto-ferrage assuré.


Niveau bas de ligne j’ai tendance à utiliser tout simplement du nylon de 60 centièmes en noeud sans noeud ou en combiné avec un émerillon à anneau sur la terminaison pour une meilleure rotation. Les poissons n’étant pas éduqués, inutile de vous compliquer la vie. L’essentiel est d’avoir des montages assez longs, 40 centimètres me semblent une très bonne option ; il faudra encore allonger votre montage si le fleuve charrie beaucoup de débris. La taille de l’hameçon doit être conséquente du 1/O au taille 2, surtout si vous pêchez près des obstacles. J’utilise trois références d’hameçons, deux très forts de fer pour les pêches ou il faut brider, dédiés à la pêche en mer. Pour les pêches moins fortes j’aime utiliser un hameçon hampe longue en combiné.


LA RÈGLE DE 3
La règle de 3 est une règle d’or sur le fleuve royal. Ces constats sont valables sur une pêche d’une nuit. Je m’explique. Sur trois nuits vous prendrez en moyenne un capot, une nuit à un ou deux poissons et une nuit riche en touches (mes trois premières nuits contées ci-dessus l’attestent). Sur trois poissons vous prendrez une miroir. Sur trois miroirs vous aurez une belle écaillée ; la majorité de communes apporte des miroirs souvent écaillés de très belle souche. Sur trois combats à négocier, vous vous ferez malmener au moins une fois ; mea culpa, tous les poissons ne sont pas des « balles ». Ces statistiques ne sont qu’une moyenne globale. Sur certains secteurs, j’attends encore ma première miroir, sur d’autres les miroirs sont plus présentes que les communes avec par conséquent des moyennes de poids en hausse.


Conclusion
Certains pêcheurs de rivière retrouveront bien des similitudes en rapport avec les eaux qu’ils pratiquent. J’ai pêché bien des rivières auparavant, et je retourne bien volontiers sur certaines d’entre elles auxquelles je ne retrouve pas la même spécificité. Cette eau n’est pas appropriée aux spécimens hunters purs et durs. Les poissons de plus de 20 kg sont, il faut l’avouer, assez rares. Cependant avec un peu d’entêtement il est possible d’en toucher, tout comme des koï qui sur certains secteurs ne se font pas rares. Les galères sont nombreuses, ce n’est pas une pêche reposante. Le pêcheur devra s’adapter aux débits et donc aux montées des eaux et à tout ce qui sera charrié dans ses bannières. En fin d’été les algues filamenteuses dérivantes rendent la pêche cauchemardesque. Néanmoins le jeu en vaut la chandelle, si vous cherchez des sensations fortes avec des poissons vierges et magnifiques, cette eau est faite pour vous… osez l’authentique, allez jeter vos jetons sur La LOIRE.

"Pour recevoir chaque semaine toutes les actus de la pêche, nos concours, nos bons plans, nos sorties vidéos, nos articles gratuits et bien plus encore... inscrivez-vous vite à notre Newsletter !"

Je m’inscris à la newsletter

Coins de pêche

Magazine n°157 - Septembre & Octobre 2020

Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15