La pêche de la carpe au lac d’Orient…

Petit cours d’histoire-géo

Le projet de la construction du lac d’Orient est né dans la tête d’ingénieurs après d’importantes et désastreuses crues de la Seine dans les années 50. Le département projette alors la construction d’un réservoir capable d’accumuler les arrivées d’eaux de la rivière Seine en hiver et de les rendre au fleuve en été. Les travaux débuteront au début des années 60 et c’est au printemps 1966 que le lac sera inauguré sous le nom de lac de Lusigny.

D’une superficie de 2300 hectares, l’eau est prélevée dans la Seine à l’aide d’un canal d’amenée. Le lac d’Orient est placé zone de conservation par le réseau Natura 2000. C’est dire la richesse de sa faune et sa flore mais aussi l’extrême protection de celle-ci. Tout comme le Der, la Forêt d’Orient est d’un grand intérêt ornithologique tant pour la migration que pour la nidification des oiseaux.

Il est aisé de comprendre que c’est aussi un spot idyllique pour les amateurs de photos qui espèrent immortaliser dans leur boîtier photo ou caméra l’une des 107 espèces d’oiseaux recensés sur le lac et ses alentours. Un espace plus spécialement dédié à la faune a été créé sur la presqu’île de Luxembourg-Piney. On y observera en semi-liberté un grand nombre de cerfs, chevreuils, sangliers etc.

Situé à une vingtaine de kilomètres de Troyes, le lac est entouré par trois villages : Géraudot, Lusigny- sur-Barse et Mesnil-Saint-Père ; sa profondeur maximale est de 18 mètres, mais varie bien évidement au fil des saisons suivant son taux de remplissage, et sa hauteur moyenne d’eau est de 5 à 6 mètres. Il compte 8 presqu’îles dont la principale est celle de la petite Italie et une douzaine de baies plus ou moins grandes. Il fait partie de l’immense parc naturel de la Forêt d’Orient qui abrite d’ailleurs d’autres lacs connus de la scène carpe : Le Temple et Amance.

30 ans déjà…

Le lac de la Forêt d’Orient est un lac qui a fait tourner bien des têtes depuis de très longues années. Nombre d’amoureux de gros poissons et de spécimens hunters de la planète ont foulé ses berges et ont rêvé de prendre une des carpes majestueuses qui nagent ici.

L’élément déclencheur a sans doute été la prise de cette carpe Goliath surnommé Bulldozer et que Léon Hoogendijk a eu l’immense joie de mettre à l’épuisette en octobre 1993 dans la baie de Géraudot.

Un poisson tout simplement hallucinant et qui était d’ailleurs le record d’Europe de l’époque et qui affichait le poids hors norme de 31,8kg. Autant dire qu’en 1993, la pêche de la carpe qui prenait un essor considérable avec ses techniques modernes n’avaient pas encore l’habitude d’entendre parler de ces poids-là. Mais le lac n’avait pas fini de faire parler de lui. Il allait révéler quelques-uns de ses trésors quelques années plus tard avec la prise de cette miroir en 1996 par un certain Jérôme Gigault et un peson qui s’affolait en affichant 34,2 kg, ou la prise d’une autre géante de plus de 30kg surnommée « la pute » (vous m’excuserez du nom) et qui a marqué à jamais l’esprit du druide de chez Starbaits, Jean Marc Lebreton.

Le lac fît alors l’objet d’un véritable engouement et c’est ainsi que la baie de Géraudot, Lusigny, la presqu’ile de la Picardie, la Plage, le secteur de la base nautique, l’anse de Jolivet, les pointes de Chavaudon, des Terriers, Michelin et le non moins célèbre biwy city allaient connaître fréquentation accrue et qu’aux quatre coins du lac des carpes exceptionnels allaient poser dans les bras des pêcheurs qui avaient osé défier le majestueux Orient.

La presse halieutique du monde entier allait relayer ses poissons exceptionnels et le lac allait obtenir ces années-là ses lettres de noblesses. Orient devenait l’objet de véritables défis et comme il n’a jamais été gagné d’avance d’y réussir, le terrain de beaucoup de désillusion

Travailler dur

La pêche dans ce type d’immensité et en grand lac en général n’a jamais été de tout repos et encore moins d’une facilité déconcertante. Si je devais décerner la palme de la difficulté à un lac, je pense qu’Orient serait dans le haut du tableau. Rien n’est jamais facile ici et dans les grands lacs de l’Est. Les niveaux changeant drastiquement suivant les saisons offrent par exemple en automne d’immenses champs de boue où évoluer devient une véritable séance de crossfit.

Dans ce genre de lac de plaine ouvert à tout vent, la météo changeante peut vite devenir un véritable enfer, avec des vents souvent violents et parfois même de véritables petits cyclones. Je connais bon nombre de pêcheurs qui se sont fait la frayeur de leur vie lorsqu’ils naviguaient sur le lac et que les vents se sont mis à souffler. Ils peuvent se lever en quelques minutes et l’on passe d’une mer d’huile à un vrai spot de surf californien. Il faudra aussi faire avec l’énorme densité d’herbes qui jonchent le fond et qui recouvrent une très grande partie du lac.

Trouver une zone dégagée sur certains secteurs est un véritable casse-tête et peut prendre parfois plusieurs heures (non je n’exagère pas) ! Ce sont peut-être ces herbes hautes et denses qui compliquent fortement les choses et qui rebute les pêcheurs. En plus de devoir s’efforcer à être pêchant avec cette salade omniprésente, les herbiers contiennent une multitude de nourriture naturelle et constituent donc une manne providentielle dont il n’est pas aisé de détourner les carpes. Combien ont cru que tout était joué parce qu’ils avaient localisé des poissons dans des trous au milieu d’herbiers ?

Lorsque leurs détecteurs restaient muets il fallait se résoudre au fait que les poissons n’ont que faire de nos appâts qui ne concurrençaient en rien les habitudes alimentaires. Orient n’a rien d’une pisciculture et les capots y sont souvent légion. La prise d’un poisson apporte une telle satisfaction que je comprends aisément les amoureux du lac qui en ont fait leur terrain de jeu favori avec pour quelques-uns une réussite déconcertante.

Je pense notamment au pêcheur Français Samir Senhadji qui évolue sur le lac depuis de très nombreuses années, un véritable passionné d’Orient qui, j’ai pu le constater, affiche des résultats constants avec parfois des techniques et des présentations que je n’aurais jamais osé utiliser en grand lac. Samir a considérablement changé ma vision des stéréotypes que j’avais concernant les présentations et de la taille des appâts utilisés en grands lacs. Je ne trahirais pas ses secrets mais aux vues des résultats c’est vraiment bluffant.

A contrario d’autres pêcheurs, moins aguerris ou moins chanceux, passent souvent des semaines entières sans voir une seule écaille. C’est frustrant et je peux comprendre le profond découragement.

Pour parer à toutes ces difficultés, on constate que la pêche en bateau s’est fortement démocratisée sur ce lac car, en plus d’ouvrir des horizons difficilement atteignables depuis la berge, ce type de pêche permet de contrer un grand nombre de paramètres qui compliquent la pêche.

Ici plus qu’ailleurs l’investissement personnel et la force de caractère a toute son importance.

La fameuse technique de ne rien lâcher et du « no pain no gain », fonctionne en règle générale assez bien à Orient (rires).

Le jeu en vaut la chandelle

J’avoue ne pas dresser un portrait très flatteur et peut-être même tuer dans l’œuf l’espoir d’une belle session sur ce lac mais il convient d’être honnête : seuls les plus obstinés croiseront les géantes résidentes du lac.

C’est d’ailleurs pour ces poissons fabuleux que les passionnés des grands lacs et des carpes trophées opèrent sur Orient : espérer toucher des poissons de pure souche, d’énormes linéaires ou de grosses miroirs charismatiques bien sombres. L’abondance de nourriture naturelle (et le mot est faible) fait que les poissons profitent et grossissent très rapidement. La souche des poissons et la génétique aidant font plus que jamais exploser les aiguilles des pesons. On voit maintenant nager et s’afficher dans les bras des heureux pêcheurs des poissons gigantesques de + de 35 kg. Nous vous présentons d’ailleurs dans ce numéro cette miroir qui me laisse personnellement rêveur et qui va hanter les nuits de beaucoup d’entre vous prise l’automne dernier à plus de 39 kg ! Qui dit mieux ?

C’est indéniable Orient est incontestablement réputé pour ses carpes goliaths. Mais en plus des différentes carpes de plus de 30 et de 35 kg qui posent sur les tapis de réception chaque année, n’oublions pas que des carpes de plus de 20 ou 25 kg y nagent en nombre important. Il serait d’ailleurs intéressant, et je suis sûr que cela est déjà fait par les plus passionnés des lieux, de recenser toutes les grosses prises et de vérifier leurs évolutions de poids d’une prise à l’autre. Il est tout à fait possible que le lac de la Forêt d’Orient, dans les années à venir, comme c’est le cas au lac du Der, abritent des poissons qui dépasseront la barre des 40 kg. Toutes les conditions y sont réunies.

Dans ce nouvel opus de carpe spécimen, les lacs de plaine de la région Grand Est vous dévoilent une fois de plus leur énorme potentiel. Mais les poissons géants ne font pas tout, on ne sort pas indemne d’une session à Orient. Je vous souhaite à tous d’assister à ces instants incroyables lors d’un coucher de soleil où le lac et le ciel ne font qu’un et semblent littéralement s’enflammer. Un moment magique où votre présence sur le lac à cet instant prendra un sens particulier. Tout est décuplé à Orient, la difficulté de pêche certes, la taille des poissons, mais aussi l’extrême beauté des lieux, la sensation de bien-être, la nature, la faune, la flore

Alors qui se laissera tenter ?