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Culture Carpe, la pêche d'hier et d'aujourd'hui : Histoire de la carpe et de sa pêche en Angleterre (avant 1980)

Reproduction du centerpin 7950-T7 Double Ventiled. 

Crédit photo Nicolas Derouet
Fernand Serrane dit que c’est Léonard Marschall (1546-1590) qui aurait importé la carpe en 1514. Or sa source, l’historien Thomas Fuller (1608-1661) a écrit que Mascall a introduit des carpes de l’autre côté de la mer, « mais n’a certainement pas été le premier à apporter ce poisson dans nos lacs et nos étangs ».

D'ailleurs Mascall lui-même a écrit que « la carpe est un poisson fort et délicat à prendre, ses appâts ne sont pas bien connus, car il n’est pas depuis longtemps dans ce royaume. Le premier qui les apporta en Angleterre (comme on me l’a dit de façon crédible) fut le maître Mascoll de Plumsted dans le Sussex […] » En fait Mascall, s’inspira de Dame Julyans Barnes mais aussi de L’agriculture et maison rustique de Charles Estienne (1570). Bref, la date de 1514 avancée, sa date supposée de naissance, l’orthographe différente des noms ainsi que les propres écrits de Mascall laissent à penser que ce ne soit pas lui qui fit le premier traverser la Manche aux carpes, mais plutôt un de ses aïeux de Plumsted. Mascall poursuit en disant que « maintenant beaucoup d’endroits sont remplis de carpes, à la fois dans les étangs et les rivières », ce que reprend Izaak Walton en 1653, « il fut un temps, il y a une centaine d’années ou un peu plus, où il n’y avait pas de carpes en Angleterre. » Plusieurs fois Walton met en avant la subtilité de la carpe de rivière et précise « J’ai connu un très bon pêcheur qui a pêché avec diligence quatre à six heures par jour, pendant trois ou quatre jours d’affilée, pour une carpe de rivière, sans avoir la moindre touche ».

Bob Richards et sa carpe record de 31 lb 4 oz. 
Crédit photo : DR

Fin du XIXe siècle

Ce n’est que deux bons siècles plus tard, avec le regain de popularité de la pêche récréative mais aussi grâce à l’introduction dans les années 1890 de carpes miroirs en provenance de Hollande et d’Allemagne, par Thomas Ford, propriétaire de Manor fisheries, que la pêche à la ligne de la carpe s’est développée. Le fait que seul ce poisson d’eau douce (avec le saumon) puisse dépasser les 10lb y est pour beaucoup. Pour Kev Clifford, Otto Christop Joseph Gerhardt Ludwig Overbeck était sûrement à la fin du xixe siècle le meilleur pêcheur de carpe du pays. Chimiste et directeur scientifique d’une brasse rie à Grimsby, il pratiquait sur l’étang privé de Croxby, (empoissonné au début des années 1800), où il y captura une carpe de 17,5 lb sur une canne à mouche.

Détecteur utilisé par Richard Walker avant son invention du détecteur à antenne Heron (il pêchait alors avec une Canne Allcock Wallis Wizard et un moulinet Hardy Eureka 4’’).
Crédit photo : Dessin extrait du livre Confession d’un pêcheur de carpe, de BB.

Première moitié du XXe

Le réservoir de Cheshunt, loué par la Highbury Angling Society en 1910, fit parler de lui avec une série de grosses carpes capturées par ses membres, dont la plus grosse pesait 17 livres et 2 onces. C’est là qu’en octobre 1916, John Andrews y captura une carpe record de 20 lb 3 oz. Les archives de l’époque montrent que les poids des carpes, prises au filet ou retrouvées mortes, pouvaient aller au-delà des 20 lb : 26 lb à Virginia Water dans le Surrey (1912), 24 lb à Birmingham (1921), miroir de 26 lb retrouvée morte dans un lac du Kent (1921) et même 37 lb prise au filet à Hampton Court (1916). Il n’en fallait pas beaucoup plus pour envelopper la pêche de la carpe d’un certain mysticisme, et entretenir sa réputation de poisson difficile à capturer, surtout avec le matériel et les techniques de l’époque ! Ce n’est que dans l’entre-deux-guerres, en juillet 1930, qu’une carpe record de 26 lb fut capturée à la ligne par Albert Buckley, dans le réservoir de Mapperley (Nottingham). À la même période, Donald Leney, propriétaire d’une pisciculture, importa à son tour de très nombreuses carpes au Royaume-Uni, dont 50 rejoindront en 1934 un tout petit étang de moins d’un hectare situé à Bernithan Court. Ces carpes galiciennes (polonaises), importées de Hollande, présentaient l’avantage de grossir plus longtemps que d’autres souches, pourvu que Dieu leur prête vie et que le biotope s’y prête, conditions qui feront, pour partie, le succès de Redmire pool quelques années plus tard.

Richard Walker et son détecteur Heron. 
Crédit photo : DR
Jack Hilton et « Pinky » sa carpe record de 1967 à Redmire Pool. 
Crédit photo : DR

Le Carp Catcher's Club d'après-guerre

En 1945, la pêche récréative connut un regain d’intérêt et le célèbre auteur et illustrateur Denys Watkins-Pitchford, alias « B.B » publia son « Livre de chevet du pêcheur ». Il y décrit dans un style imagé et poétique la ruse légendaire des carpes et la part de chance nécessaire pour capturer les plus grosses. En janvier 1947, Richard Walker, ingénieur de métier et pêcheur assidu, lui adressa une correspondance indiquant qu’il ne trouvait pas la carpe si difficile à attraper que cela et qu’il avait même développé quelques techniques à cet effet. À cette époque, Walker avait déjà attrapé de nombreuses carpes de plus de 10 lb, bien plus que beaucoup d’autres pêcheurs à la ligne qui, pour la plupart disons-le, n’en avaient encore jamais vu la queue d’une. Au début des années 1950, Maurice Ingham avait à son tour correspondu avec Richard Walker au sujet du matériel de pêche à la carpe qu’il utilisait, intrigué par ses articles publiés dans le magazine Fishing Gazette. De leurs échanges naîtra une grande amitié, un livre et de belles aventures. Walker, B.B et Maurice Ingham créèrent le Carp Catcher’s Club que rejoindront d’autres pêcheurs afin de partager leurs connaissances.

Réplique de l’épuisette de R Walker.
Crédit photo : DR

Redmire Pool

En 1951 Bob Richards, qui tenait un bureau de tabac à Gloucester, obtint la permission d’aller pêcher à Bernithan Court sans en connaître le potentiel et y prit, à la canne au coup avec une ligne de 5 lb, une carpe miroir de 31 lb 4 oz (14 kg). Il la gaffa et la ramena chez lui en bus où il fut vu par le secrétaire de l’Association des pêcheurs à la ligne du coin. Les membres du Carp Catcher’s Club obtinrent à leur tour l’autorisation d’y pêcher et Walker y captura Clarissa à 44 lb en 1952. Le précédent record (la 26 lb de Mapperley) qui avait tenu plus de 20 ans, venait d’être battu deux fois en moins d’un an à Redmire, qui deviendra vite « the place to be ». Redmire pool et les pionniers du Carp Catcher’s Club, marquent le début de l’évolution d’une époque « lyrique » vers ce qui allait devenir, en une trentaine d’années, une pêche technique, « moderne » des carpes records à travers le monde entier. La MK IV de Richard Walker deviendra l’archétype de ce que devait être une canne à carpe, il avait innové avec son modèle d’épuisette repliable en V, inventé un des premiers détecteurs de touche électrique. On assiste aux prémices du no-kill pour la carpe, moins probablement pour sa santé que pour pré server son devenir de futur spécimen. Jack Hilton, a créé et dirigé le syndicat chargé de gérer la pêche à Redmire entre 1968 et 1975. C’était un avant gardiste du spécimen hunting. Il a écrit dans Angler’s Mail, puis dans Angling Times, et a publié plusieurs livres marquant les années 1970, dont le bien nommé « Quest for carp » en 1972. Il y écrivait qu’enfant, il avait toujours voulu pêcher de gros poissons, ce qu’il a concrétisé en capturant la plus grosse carpe de l’année 1967 à 35 lb et en étant, en outre, le premier anglais à attraper trois carpes de plus de 30 livres, dont une carpe miroir de 40 lb et 3 oz en 1972.

Les débuts du no-kill : « Et voilà la belle, elle – et ses 10 lb – mérite de repartir vivante. Mouille-toi les mains et fais-la glisser gentiment, Peter », Mr Crabtree goes fishing de Bernard Venables.
Crédit photo : DR

Avant la bouillette

Les pêcheurs savaient depuis longtemps que les carpes mangent du pain, des vers, des patates, additionnés de quelques douceurs ou arômes, et ont longtemps négligé le potentiel d’autres appâts moins classiques, si ce n’est les mélanges de pâté pour chat et de farine par exemple, restant dans un certain classicisme. La pression de pêche concentrée sur quelques plans d’eau augmentant, les jeunes générations envisagèrent deux autres pistes : celles des particules pour Rod Hutchinson dans les années 1970, puis celle des appâts à Haute Valeur Nutritive avec Fred Wilton dans les années 1980. En 1972, deux jeunes pêcheurs de carpes eurent accès à Redmire : Rod Hutchinson et Chris Yates. Rod y obtint d’excellents résultats, ainsi que sur beaucoup d’autres lacs réputés comme Savay, en utilisant des particules. Il explique que sur les eaux produisant beaucoup de nourriture naturelle (escargots, vers de vase…) les carpes sont fixées sur cette manne et que les boules de pâtes des pêcheurs ne les intéressent qu’à la marge. C’est ainsi qu’il en est venu à essayer de toutes petites graines cuites comme le chènevis, et faire en sorte qu’elles soient considérées comme de la nourriture naturelle. Il a en suite joué sur les tailles et les couleurs (haricots blancs, bruns, rouges, pois chiches, pois d’érable, maïs doux…), sur leur odeur, sur leur densité pour qu’elles restent au-dessus des herbiers (maïs doux) ou coulent (pois d’érable). Pour rester sur le maïs doux et revenir en 1972 à Redmire, Chris Yate en avait emporté une boîte pour manger avec son omelette. Il s’est dit pourquoi ne pas essayer d’en escher à l’hameçon et prit ainsi, coup sur coup, deux petites carpes, ce qui fut révélateur quant à l’attractivité de cette graine. Au milieu des années 1970 il fallait attraper une carpe de plus de 31 1/4 lb pour entrer dans le top dix britannique. Parmi les pêcheurs qui ont commencé à apparaître avec de grosses carpes il y avait Rod Hutchinson, Ritchie McDonald, Bruce Ashby et d’autres moins connus en France, comme Sir Peter Springate et Ken Hodder, qui ont fait, en 1978 le plus beau doublé de carpes jamais ré alisé à l’époque (36 1/2 lb et 38 1/2 lb). L’histoire était en marche.

.Chris Yate avec Bishop à 51 lb 8 oz (23,4 kg) le 16 juin 1980, Redmire. 
Crédit photo : DR

Le trotting

Outre la pêche à la mouche, les Anglais pratiquent depuis longtemps une pêche traditionnelle, peu connue en France, appelée « trotting ». Il s’agit d’une technique utilisée en rivière, à une seule canne, dans laquelle l’appât dérive le plus naturellement possible avec le courant, maintenu par une petite plume. Elle est particulièrement efficace sur des espèces comme le chevesne, le gardon ou encore la truite et l’ombre. Cette technique nécessite de disposer d’un moulinet le plus fluide possible, appelé « center-pin ». Alors que la bobine d’un Nottingham était fixée au moulinet à l’aide d’un écrou en laiton, dans les années 1880 est apparu le premier centerpin équipé d’un loquet à ressort permettant de libérer la bobine en appuyant sur un bouton situé en son centre. Un centerpin se caractérise par sa bobine à rotation libre, c’est le pêcheur qui en contrôle la rotation avec le doigt, l’auriculaire ou le pouce

Version contemporaine d’une MKIV fabriquée par Paul Cook avec un centerpin fabriqué par Garry Mills. 
Crédit photo : DR

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