NOUS ALLONS DONC ABORDER LA PÊCHE des grands lacs du bord. Cela fonctionne sur toutes les eaux, et pour cause, nous allons l’illustrer à travers cet article par un bon nombre de sessions sur des lacs allant du barrage de plusieurs centaines d’hectares au grand lac alpin de plusieurs milliers d’hectares. L’approche ne vise pas seulement à réduire sa logistique, mais également à rendre sa pêche plus mobile, plus réactive, et différenciante de celle des autres pêcheurs, donc potentiellement source de captures supplémentaires.
Cet article se tourne donc vers deux types de lecteurs/ pêcheurs : ceux qui ne possédent pas d’embarcations, mais souhaitant tout de même s’attaquer aux grandes étendues, et ceux qui en possèdent une ou plusieurs, ayant la curiosité d’aborder un nouveau mode de pêche plus adapté aux sorties courtes, mais aussi aux sessions longues, afin de se différencier de la norme. Pour entrer dans les détails et pour parler du sujet, rien de mieux que de se baser sur du concret. Voici quelques exemples de sessions les plus récentes.
AU PRINTEMPS SUR LE SALAGOU :
Grand lac célèbre du sud de la France subissant une pression de pêche constante et croissante, il a le profil parfait pour mettre en place cette stratégie. Des dizaines de carpistes avec une approche stéréotypée, des zodiacs qui naviguent pour des changements de postes, du repérage, des déposes… Bref, des mouvements d’eaux facilement identifiables par les poissons qui, même s’ils ne quittent pas la zone, ne seront pas des plus enclins à se nourrir rapidement et en nombre. Les accès du bord sont nombreux, même si cela nécessite parfois de la marche (on n’a rien sans rien).
Le repérage et l’arrivée sur le poste se faisant par la terre ferme, les poissons présents sur les bordures ne sont pas alertés et sont donc potentiellement capturables assez rapidement. Des approches stalking sont alors envisageables sur ce lac, où nombreux pensent qu’il est nécessaire de stagner une semaine sur un poste pour construire une pêche ou pour attendre un passage. Ici, pas question d’attendre. C’est une recherche constante des poissons ; la clarté de l’eau le permet, les ouvertures sur les bordures également. Il peut être intéressant de distribuer des appâts sur des zones où rien n’est
perceptible, mais où le feeling est bon (à chacun de suivre son sens de l’eau), ou encore sur des zones avec des traces d’alimentations.
Mais attention, le fond est constitué, selon les zones, essentiellement de roche mère, donc il n’est pas utile de gaspiller son énergie à la recherche de grouinages sur un substrat aussi dur et qui ne « marque » donc pas. Deux options lorsque des poissons sont visibles : les attaquer immédiatement, ou les pré-amorcer et partir chercher une nouvelle zone pour conserver un coup d’avance. Encore une fois, cela dépend de l’énergie, de la motivation et des objectifs de chacun. Milieu de printemps, j’ai trois nuits devant moi et décide de partir sans embarcation sur le lac. Le matériel reste chargé dans le véhicule, tandis que j’arpente les berges avec mes waders et une paire de polarisantes.
Nous sommes en fin de journée, lorsque je trouve un petit groupe de miroirs à ras du bord. Deux allers-retours pour acheminer le matos sur le poste. Trois montages sont déposés avec une centaine de mètres d’écart entre les cannes des extrémités : un sur le petit groupe de miroirs dans le passage au fond d’une roselière dans 70 cm d’eau, un autre sur la sortie de ce passage à ras du tronc d’un arbre immergé dans pas d’eau, et le troisième montage dans 1 m sur l’entrée d’une micro-baie à droite. Une paire d’heures avant de déclencher la première touche, une des miroirs aperçues auparavant avec quelques belles écailles. Par la suite, la seconde canne démarrera, pour une commune sombre typique des lieux. Au petit matin, j’avale un café, observe les bordures. Le bruit des captures à fait son effet, il faut bouger pour espérer piquer un nouveau poisson rapidement. Même scénario : waders, pola, et de la marche les yeux grands ouverts. Un nouveau petit groupe de carpes est perceptible. J’allège encore un peu le matos, en me déchargeant du bed et de la nourriture. Après une observation des déplacements la canne est positionnée sur un point de passage stratégique sans trahir ma présence.
Cela me rapportera une belle miroir de la quinzaine. Je plie et pars rapidement prospecter quelques bordures. Mon pote Alex remonte d’une longue session en terre espagnole ; il faut que je trouve une zone avec de la place pour son van, et des carpes pas trop loin pour ma pêche. Un fond de baie m’ayant rapporté une miroir d’une vingtaine de kilos quelques semaines auparavant fera l’affaire. C’est une zone clé pour la saison. Peu d’angles, la pêche se fait donc à deux cannes pour de ne pas enfermer la zone avec les bannières et pour maximiser la confiance des poissons lors des déplacements au-dessus des spots. Waders, pola, drop des montages sur des spots dans peu d’eau, des zones visiblement fréquemment visitées vu les indices que laisse apercevoir le fond. Alex arrive, fatigué par la route.
Nous décidons de nous faire une petite soirée apéro retrouvailles tranquilles pas loin des cannes. Il me raconte son périple, et on échange sur les projets pour les saisons à venir, toujours un agréable moment. Pendant la soirée, une touche se produit, c’est une vieille commune du cheptel historique qui dépasse légèrement la quinzaine. Nous réalisons une paire de photos rapidement avant de lui rendre sa liberté…
EN BARRAGE DU MASSIF CENTRAL :
Toujours au printemps, après avoir passé quelques jours sur un barrage du sud, je prends la route du Massif central pour rejoindre mon pote Nico. Ici, le bateau ne servira qu’à faire la navette de la mise à l’eau vers son poste. Il a fait le choix d’une approche statique avec de belles quantités d’amorçages. En revanche, la journée, il lève les cannes pour partir stalker et pour apporter de la dynamique dans sa pêche. Durant les journées, nous nous baladons sur les bordures pour tenter d’observer des poissons en alimentation ou en déplacement. Le lac est encore assez bas et nous sommes en extrême amont. De plus, le soleil tape fort… Un bon mélange à cette période ! Les carpistes délaissent cette zone, puisqu’avec un peu moins de 70 cm d’eau, très peu osent s’approcher de cette flaque
en tête d’une étendue de plusieurs centaines d’hectares. Pourtant, un important rassemblement de carpes est présent. Le strict minimum est embarqué, cannes, tapis de réception, épuisette, seau d’appâts qui fera aussi office de level, appareil photo… Pour les piques, on bricolera cela avec des bouts de bois sur place, afin de s’alléger encore un peu plus. Une flottante pour le visuel, un plomb léger pour ne pas trop s’envaser, mais créer un bruit déclencheur de curiosité chez les poissons, et une poignée de 5/6 bouillettes. La recette est simple. Pourtant, il est rare de croiser du monde pratiquer ainsi. « Grand lac » est devenu synonyme de zodiac, échosondeur, kilos d’appâts… On en oublie les basiques : localisation, observation, adaptation ; la mécanique reste la même que le plan d’eau fasse 1 ou 4 000 ha…
Nous projetons donc nos montages à proximité des nuages d’alimentation et/ou des poissons en déplacement, souvent à moins de 5 m du bord. Presque à chaque fois, il nous faudra moins de quinze minutes pour prendre un poisson. Nous remontons progressivement la bordure et les montages au fil des captures, comme un pêcheur de truite remonterait une rivière de manière à laisser reposer les spots ayant produit pour y revenir plus tard. De cette manière, nous multiplions les captures sans saturer la zone. Le lendemain, la démarche est la même. Les résultats sont également rapides, c’est du bonheur. Il est même terrible de se dire que l’on est sur un barrage, tant on a l’impression de pêcher à l’étang du coin…
SUR UNE IMMENSITÉ TURQUOISE :
Ici, on parle d’une immensité turquoise en milliers d’hectares, d’un cheptel plutôt faible par rapport à la superficie, et de poissons très mobiles. Un véritable challenge en soi, même avec un ou des bateaux.
QUELS SONT ALORS LES INTÉRÊTS À Y VENIR SANS EMBARCATION ?
→Une mobilité accélérée par les déplacements en voiture.
→Un accès à des zones de forêt immergées par la berge, plutôt que par l’eau, donc un dérangement moins important des poissons potentiellement présents sur la zone.
→Une approche plus typée « rando », qui permet de régulièrement prendre de la hauteur avec le relief, et donc d’utiliser cela dans une démarche de repérage large.
→Une possibilité d’accélérer et de changer de postes lointains, de pêcher un spot la journée, puis un second à plusieurs kilomètres la nuit (sans entraver sa pêche par le calcul d’autonomie des batteries)… Avantages multiples, mais il y a bien évidemment quelques désavantages. Ceux-ci restent toutefois minimes. Au pire des cas, il est possible de contrebalancer cela avec un petit bateau d’ 1,90 m (nous aborderons l’approche des grands lacs dans un autre article, avec une petite annexe). Mais restons sur le sujet de la pêche sans embarcation pour la suite…
Quelques jours auparavant, j’ai réalisé une pêche sur ce lac avec une dizaine de touches sur trois nuits, en déposant tous les montages à vue et à pied, alors qu’il est déjà plus que correct d’y prendre 2 à 3 carpes dans la semaine. Je décide de revenir et opère comme toujours, en découpant le lac en 3 zones clés qui tiennent compte de l’avancement de la saison. Je cherche alors les zones tampons, celles où les poissons attendent le bon timing avant d’entrer dans les zones de frai (il convient ensuite de les laisser tranquilles pour la reproduction). Je répète sans cesse les mêmes opérations de prospection, voiture, waders et pola, nouveau repérage, voiture, changement de zone, waders et pola. De cette manière, je prospecte toutes les bordures qui me semblent intéressantes.
Cela permet même de faire la fine bouche et de sélectionner les spots avec les plus beaux individus. Ces derniers n’étant pas perturbés par le passage d’un zod, par exemple, cela change grandement la donne. Il faudra toutefois être extrêmement discret à la dépose des montages, pour ne pas ruiner tout le travail en amont. Je trouve une superbe parcelle fraîchement immergée. La végétation vient d’être noyée par le dernier marnage : un spot de choix ! De très beaux poissons évoluent dans les arbustes et dans les roseaux.
L’avantage de la dépose à pied est qu’elle ne dérange que très peu le milieu. À plusieurs reprises, de jour comme de nuit, des poissons sont venus frôler mes jambes par curiosité, et j’ai réussi à déclencher des touches seulement quelques minutes plus tard. Si j’avais approché cette micro-baie en bateau, il est quasi certain que les poissons auraient pris peur et se seraient réfugiés loin dans la végétation, où il n’est plus raisonnable de poser un montage… Pour revenir à l’action de pêche, j’installe donc rapidement mon bedchair et prépare les cannes. Trois sont prêtes à faire feu, mais une seule sera en action de pêche. Les autres sont donc prêtes dans deux autres buts : être armé instantanément pour attaquer un poisson en stalking, et être rapide pour reposer un montage en limitant ainsi le timing de dérangement de la zone après un combat.
La multiplication des départs tient bien souvent dans des détails comme ceux-là. D’ailleurs, cette même nuit, je ferai trois touches pour trois poissons exceptionnels : une miroir assez vieille avec de belles écailles sur le flan, une fully scalled de 16 kg, et une miroir de 24 kg. Un triplé sur cette unique canne toujours posée à pied. Un petit spot de propre réalisé en piétinant le fond sur un carré d’environ 60 cm au milieu des végétaux et des débris qui jonchent le fond. Une approche payante, qui ne fut pas un cas isolé, car d’autres poissons auront succombé de la même manière plus tard. Puis, petit à petit, au fil des sessions suivantes, le niveau a bien grimpé sur le lac.
Il n’était plus possible de déposer à pied, puisqu’il y avait trop de fond. J’ai alors maintenu une approche en arrivant à pied pour avoir le bon angle d’attaque sans créer trop de bruit, mais avec une petite embarcation que je portais sur l’épaule et que je mettais à l’eau uniquement pour réaliser une ou deux déposes très rapides. Encore une fois, cela n’est qu’une histoire d’adaptation. Les contraintes que l’on s’impose sont souvent mentales, alors plus d’excuses, embarcations ou pas ; les grands lacs sont à votre portée.