La fraîcheur des appâts reste le critère incontournable pour tout pêcheur, selon l’adage, on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, autrement dit, pour intéresser un poisson, il faut lui proposer un appât de qualité. Bien sûr, plusieurs marques ou détaillants d’articles de pêche proposent des appâts très qualitatifs, mais un appât recherché et ramassé par ses propres moyens donne toujours un autre goût à la pêche, comme un sentiment d’appartenance, une saveur particulière qui est parfois difficile à expliquer, mais qui à coup sûr vous donnera une grande satisfaction. Dans le Sud-Ouest, sur la côte landaise, pêcher en surfcasting demande une bonne connaissance du milieu et une observation précise des courants et des baïnes pour savoir où pêcher et comment. Néanmoins, comme partout ailleurs, le choix de l’appât joue un rôle important quant au résultat de la partie de pêche. L’appât choisi détermine l’espèce de poisson recherchée et parfois sa taille en fonction de sa nature et de la taille de cet appât. Une fraîcheur irréprochable de l’esche choisie vous assure toujours de mettre toutes les chances de votre côté afin de prendre un poisson. Cette extrême fraîcheur n’est possible qu’en recherchant soi-même les appâts avant la partie de pêche !
Une aiguille dans une botte de foin !
Sur les immenses plages landaises bordées de dunes, le sable est roi, à perte de vue il s’étend, une alternance de bancs qui donne le vertige… Trouver des appâts dans ce décor relève de l’impossible pensez-vous ? Tout d’abord, quand chercher ? La marée basse est un allié de choix et primordiale pour pouvoir fouler l’estran afin de dénicher les petits animaux y vivant. Une paire de bottes, un seau et une pelle-bêche et vous serez équipé pour traquer les meilleurs appâts. Où chercher ? Les zones idéales sur le front de mer sont les grands bancs de sable plats qui se découvrent à marée basse. Dans ces lieux, vous trouverez essentiellement des vers, quelques coquillages et de rares crabes. Les zones les plus riches en appâts sont souvent les biotopes qui stockent de la matière organique sur le sable, autrement dit de la vase ou du limon. Ces zones sont à l’abri des forts courants, comme une lagune ou un méandre sur l’embouchure d’un fleuve. Une fois la zone propice trouvée, l’observation de la surface du sol est un atout majeur car l’étendue à prospecter peut être immense, il faut savoir quoi chercher et comment le trouver.
Des p’tits trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous…
Les différents habitants du substrat doivent se nourrir et respirer donc ils forment des tunnels et des orifices visibles à la surface du sol, ce qui leur permet de faire circuler de l’eau et de la nourriture. Des petits trous, il y en a une multitude, vous aurez l’embarras du choix ou plutôt le choix de l’embarras. Comment savoir quels trous choisir ? Pour les vers arénicoles, appelés souvent vers de vase, qui possèdent comme de petites pattes de chaque côté du corps, il faudra rechercher des turricules. Ce nom barbare qui signifie en latin « petite tour » désigne ce petit monticule de sable en forme de tortillon. Ce dernier est le nom le plus employé par les pêcheurs, formé par le vers arénicole. Le ver qui est en sous-sol absorbe le sédiment et assimile la matière organique qu’il renferme, il rejette alors ce sédiment filtré en surface en réalisant cette forme disgracieuse mais très visible. À quelques centimètres, une vingtaine tout au plus, de ce turricule se trouve un petit trou qui trahit l’orientation de la tête du ver qui crée cet orifice pour absorber le sédiment et rejeter l’eau de sa galerie. Lorsque vous avez trouvé ce monticule de sable et l’orifice à ses côtés il faut effectuer une frappe chirurgicale et rapide. Un ver au premier abord, n’est pas l’animal qui va vous distancer à la course à pied, mais il reste très rapide lorsqu’il faut fuir dans le sous-sol qui est son royaume. Il faut disposer sa pelle-bêche à quelques centimètres du turricule et dans un même geste rapide et précis enfoncer le plat de la pelle énergiquement puis retourner d’un bloc un maximum de substrat sur le côté. Là il faut vite rechercher le ver dans ce cube de sable pour savoir si le coup de pelle a été efficace. Un coup de pelle pas assez profond ou trop décalé du turricule, c’est un ver perdu qui s’enfouira plus profond avec peu de chance de le retrouver. L’huile de coude est indispensable pour déloger l’appât du substrat. Une pelle-bêche résistante sera indispensable, le modèle en métal de chez Seanox est souvent utilisé, ce qui évite de casser les manches en bois sur les autres modèles. En effet, le substrat gorgé d’eau crée un effet de ventouse lorsque vous creusez et les manches sont mis à rude épreuve ! D’autres vers intéressants pour la pêche en surf casting sont présents sur l’estran, le ver tube est un appât très recherché pour son efficacité et sa tenue à l’hameçon. Ce ver forme un tube en agglomérant des débris de végétaux et de coquillages. À son extrémité, il laisse apparaître un petit trou à la surface du sable. Il se trouve généralement dans les zones de courant. Une pincée de sel déposée sur l’orifice, le ver remonte et vient rejeter le sel, c’est le moment où il faut enfoncer rapidement la pelle-bêche pour pouvoir l’extraire en bon état.
Coquillages et crabes
Le couteau, un appât assez connu mais qui demande aussi un peu de recherche et de savoir-faire. La technique est la même que pour le ver à tube : au préalable, il faut repérer son trou à la surface du sol qui est en forme de huit, et y déposer également une pincée de sel afin qu’il remonte pour pouvoir l’attraper. La coque ou la palourde, qui sont des appâts un peu moins utilisés par les pêcheurs, mais qui sont tout aussi efficaces, se trouvent dans le même biotope que les appâts cités précédemment. Armé d’un râteau droit, vous pourrez ratisser le sable en surface afin de faire apparaître les coquillages. À l’aide d’un couteau pour les ouvrir, vous pourrez disposer la chair du coquillage sur votre hameçon en l’entourant d’élastique pour une meilleure tenue. Le crabe que vous trouverez plus facilement dans quelques cailloux et roches est aussi présent sur les bancs de sable. Crabe vert ou crabe mou c’est un appât très intéressant. Monté avec la méthode wishbone, il sera bien armé pour ne rater aucune touche.
L’appât miraculeux
Si tous les appâts cités précédemment sont très efficaces pour pêcher la majorité des espèces présentes sur la côte landaise, il existe un appât qui possède une place privilégiée dans les choix des pêcheurs locaux au vu de son efficacité indiscutable : l’ophélie. Ce ver de sable appelé aussi ver bleu en raison de ses reflets irisés de bleu sur son corps, se trouve essentiellement sur les bancs de sable en bord de baïnes dans un substrat d’une certaine granulométrie, un petit gravier plus grossier que le sable fin. L’idéal est d’utiliser ses mains pour creuser le substrat afin de ne pas abîmer ce ver fragile et de petite taille. Son montage sur un hameçon reste délicat du fait de sa fragilité, il supporte mal les lancers appuyés.
Julien Andrillon de la team Sunset, et originaire des Landes, a développé pour la marque de pêche en mer une aiguille destinée spécialement pour l’eschage de vers fragiles. Un outil idéal pour escher cet appât incontournable sur un hameçon et assurer quelques touches. Enfilez une vingtaine de vers bleus sur les pointes de l’aiguille Sunset, entourez le tout avec de l’élastique en formant des huit entre les trois aiguilles, puis terminez cette opération avec une clé simple. La boule formée, vous pouvez disposer la pointe de l’hameçon dans l’une des trois aiguilles qui est creuse. Faites glisser la boule de vers sur l’hameçon et le tour est joué ! L’arme fatale des bancs de sable est prête à être lancée ! Pour tous ces appâts que vous pouvez trouver par vos propres moyens, la meilleure façon de les conserver est de les mettre dans un seau avec un peu d’eau de mer et du sable aéré par un bulleur. Placés dans un endroit frais, vous pourrez alors les garder quelques jours pour vos sessions de pêche. Pour les vers tubes ou arénicoles, la veille de la session de pêche, vous pouvez les sortir de l’eau et les placer dans du papier journal afin qu’ils perdent un peu d’eau ; ils seront plus fermes et tiendront mieux sur la ligne.
Le bon montage pour le bon appât
Prendre le temps d’aller chercher des appâts dans leur milieu naturel demande quelques efforts qu’il ne faut pas gâcher avec le mauvais montage de ceux-ci sur l’hameçon, au risque de voir son appât ne pas résister à un lancer trop appuyé. Pour escher correctement un vers sur un hameçon, il faut utiliser une aiguille dédiée à cela et de l’élastique spécial appât. Il faut bien enfiler le vers sur l’aiguille, puis positionner la pointe de l’hameçon en bout d’aiguille du côté de la tête du vers (endroit le plus épais). Vous devez ensuite faire glisser le vers sur l’hameçon et le début du bas de ligne sur toute la longueur du vers. Une fois cette opération effectuée, entourez de plusieurs tours votre appât avec de l’élastique spécial pour une meilleure tenue sur l’hameçon et une meilleure résistance au lancer ainsi qu’aux agressions des petits poissons.
Un retour aux sources
Dans notre société actuelle, nous ne prenons plus forcément le temps, ou notre rythme de vie ne nous permet pas de faire certaines choses. Bien sûr, aller chercher ses appâts dans le milieu naturel est un gain économique pour le pêcheur, mais c’est avant tout une façon de prendre le temps et de savourer sa partie de pêche, de faire une vraie pause. Pour certains, c’est la nostalgie de leur enfance et les souvenirs des pêches à pied qui refont surface lorsqu’ils vont chercher leurs appâts chaussés de leurs bottes, une pelle et un seau à la main. Pour d’autres, c’est l’occasion d’amener leurs enfants avec eux pour cette récolte ludique et réjouissante les mains dans le sable et les pieds dans l’eau. Pour tous, c’est un retour aux sources, un contact avec les éléments et le vivant, une reconnexion à l’océan, une façon de vivre pleinement la pêche et la nature qui sont étroitement liées. Ramasser ses appâts, c’est toujours s’assurer les meilleures chances de réussir une session et de s’adapter à ce que mangent naturellement les poissons, en plus de passer un bon moment au bord de l’eau. C’est aussi un prétexte d’aller deux fois à la pêche, une fois pour les appâts et l’autre pour les poissons !