La couleur des leurres est toujours un sujet délicat, car sur ce point, encore moins que sur les autres touchant la pêche, il n’existe pas de vérité absolue. Par réflexe, nous avons souvent tendance à choisir des couleurs naturelles, qui se rapprochent de celles des proies des bars. C’est pour cela qu’en automne, il est fréquent d’opter pour des leurres dont la couleur s’approche de celle des maquereaux, mulets ou sardines, à une période où les juvéniles de ces espèces sont assez gros pour être régulièrement au menu de ce carnassier. Mais ce qui nous semble apparemment logique ne l’est pas toujours au bord de l’eau ! Et les teintes plus flashy peuvent aussi se révéler efficaces, contre toute attente. Il faut donc éviter de tomber dans le piège de l’anthropomorphisme. Nous ne sommes pas des bars et nous sommes loin de tout comprendre sur le comportement de ce poisson.
Les valeurs sûres
Une approche plus rationnelle peut donc consister à utiliser les couleurs qui fonctionnent régulièrement et dans lesquelles on peut avoir confiance. Parmi celles-ci, le blanc ressort nettement et s’impose indéniablement comme une valeur sûre, comme ses nuances ivoire ou gris perle. Et cette couleur se révèle efficace dans tous les types de situation. Autres teintes qui fonctionnent bien, les couleurs neutres comme l’olive, le bleu ou le gris. Elles aussi ont largement fait leurs preuves et sont efficaces dans de nombreuses conditions. Mais cela ne veut pas dire que d’autres couleurs ne marchent pas !
Proie ou pas ?
Il ne faut pas oublier que ces leurres ont une particularité. Les bars ne les voient que partiellement, puisqu’ils flottent à la surface. Les poissons les voient donc par-dessous et surtout leur ventre, mais beaucoup moins les flancs et encore moins le dos. Plus encore que pour les autres familles de leurre, on peut donc s’interroger sur l’importance de la couleur. Ou du moins peut-on y réfléchir avec une approche différente, surtout lorsque l’on la considère en complément du mode de fonctionnement des leurres de surface. Ces derniers ont en effet une signature très particulière, et je pense qu’une bonne partie de leur efficacité tient au fait que les bars ont beaucoup de mal à les identifier clairement. Ils glissent à la surface, ce qui les intrigue et les excite, sans qu’ils puissent vraiment tout à fait identifier cette proie qu’ils perçoivent plus qu’ils ne la voient clairement.
Une question de taille
La seule façon de savoir vraiment ce que c’est, c’est de l’intercepter et donc de l’attaquer! Et je pense que dans bien des cas, plus l’identification d’un leurre est difficile, plus il joue dans le registre du mystère et de l’ambiguïté (proie ou pas proie ? qu’est-ce que c’est que cette chose qui s’enfuit?) et plus il est efficace. C’est pour cette raison qu’il peut être important de privilégier les leurres jouant sur des effets de transparence couplés à des teintes neutres dès que les conditions sont « difficiles » et rendent les bars méfiants, une mer calme et des eaux limpides et/ou peu profondes par exemple. Le leurre est ainsi moins visible et le bar suit surtout sa trace en surface, perçoit ses signaux sonores et vibratoires, mais a du mal à clairement voir et identifier cette proie. La transparence peut aussi être utilisée pour pêcher un peu plus gros que nécessaire. En effet, lorsqu’il faut être très discret, nous choisissons généralement des leurres de petites tailles. Mais ils sont légers et donc difficiles à lancer. En réduisant la signature visuelle, la transparence permet d’utiliser des leurres un peu plus gros, qui ne paraîtront pas à leur taille réelle, mais qui se lanceront mieux. Et si le blanc est si efficace, je pense que c’est aussi parce qu’il joue dans ce registre: vue de dessous, c’est sans doute la couleur qui tranche le moins avec le ciel et donc la moins visible.
Suivre son leurre
En revanche, il faut raisonner différemment dès que les conditions de pêche nous empêchent, nous pêcheurs, de bien voir le leurre. Il est en effet capital de pouvoir tout le temps le suivre des yeux. Cela permet de savoir où il se trouve, d’adapter notre animation et la vitesse de récupération en fonction des vagues pour, par exemple, ralentir lorsqu’il est « aspiré » par une vague naissante. Il en va de même lorsqu’il passe au-dessus de rochers ou de taches d’herbiers dans lesquels peuvent s’embusquer les bars, afin de leur donner un peu plus de temps, ce qui permet parfois de « forcer » l’attaque, surtout avec des poissons hésitants. Sans oublier que l’on peut parfois apercevoir un bar s’approcher sans attaquer, ce qui est toujours important pour ajuster la stratégie. Ainsi, dans les conditions qui nous empêchent de bien voir le leurre (surface agitée, luminosité faible, …), on peut jouer sur les couleurs pour nous aider à mieux le distinguer. Les leurres au dos jaune fluo sont par exemple bien plus faciles à voir dans ces conditions. Enfin, les bars aussi peuvent avoir du mal à percevoir le leurre dans certaines conditions, comme une surface très agitée par exemple. Dans ce cas, des leurres plus visibles peuvent être préférables pour leur permettre de mieux finaliser la séquence d’attaque d’une proie qu’ils perçoivent mais ont du mal à localiser clairement. La couleur, comme la taille ou la sonorité doit donc être considéré en fonction des conditions de pêche du moment et du comportement des bars.
Transparence
Outre des décorations aux couleurs très différentes, les leurres de surface varient aussi par leur niveau de transparence. La plupart présentent des décorations « opaques » sans aucun effet de transparence, parfois monocolores, mais combinant le plus souvent plusieurs couleurs et/ou motifs. Mais des modèles jouent sur cette transparence, avec plus ou moins d’intensité. Certains présentent ainsi un ventre translucide et des flancs et un dos légèrement coloré, laissant cependant passer la lumière. D’autres jouent pleinement cette carte, ne présentant aucune coloration et laissant passer totalement la lumière à travers leur corps. C’est un paramètre de plus à prendre en compte dans le choix du leurre, en fonction des conditions et du niveau de méfiance des bars.
Témoignage Sylvain Garcia : "La couleur, un élément mineur"
Ma pêche de prédilection, et celle que je fais pratiquer à mes clients, est une pêche légère, dans des zones peu profondes, moins de 10 mètres, comme les abords de plages ou les plateaux rocheux. J’utilise donc très souvent des leurres de surface. Je pense que la couleur est secondaire par rapport à la taille ou à la sonorité du leurre, ainsi que son opacité ou transparence. Je peux souvent le vérifier lorsque j’ai quatre personnes à bord qui pêchent avec des leurres de surface. Il est rare qu’une tonalité se détache et fonctionne mieux que les autres. En revanche, j’attache de l’importance aux couleurs permettant au pêcheur de bien voir le leurre. Je privilégie souvent des teintes vives et bien visibles pour mes clients, jaune ou orange. Seule exception à ce que je viens de dire, c’est lorsque les bars sont focalisés sur des poissons bleus, comme les sardines par exemple. Dans ce cas, il faut absolument que le leurre ressemble aux proies du moment. Mais cela reste des cas minoritaires.
Sylvain Garcia • Guide de pêche • skipper professionnel • Tél. 0763094164 • lorient-passion-peche.com