Nous avons rendez-vous avec Pierre-Yves Perrodo sur la cale de Larmor-Baden. Nous sommes en avance, et profitons du calme du lieu. Il n’y a pas un souffle de vent et les premiers rayons du soleil se reflètent à la surface de l’eau. La mer est un véritable miroir. Seuls les oiseaux en vol animent le lieu. Les cris d’une sterne pierregarin attirent notre attention. Mais déjà, l’hirondelle de mer plonge à quelques mètres de nous. L’oiseau est rapide comme une flèche, malheur à l’imprudent. D’un coup d’aile nerveux, elle sort de l’eau et s’envole : dans son bec scintille sa prise, un petit poisson, plus précisément un lançon. Ce n’est peut-être pas le premier matin du monde, mais assister à ce spectacle est un vrai bonheur. L’arrivée de notre guide nous sort de notre contemplation. Il faut y aller, nous avons rendez-vous avec les daurades grises.
Le choix du poste est primordial
La navigation dure peu de temps, mais c’est un plaisir visuel et nous nous imprégnons du décor. Le Golfe du Morbihan est considéré comme l’une des plus belles baies du monde et c’est, chaque année, l’un des sites bretons les plus visités durant la période estivale. Ce territoire s’étend sur une centaine de kilomètres carrés, parsemé d’une quarantaine d’îles et d’îlots formant un véritable labyrinthe. Classé parc naturel régional, c’est un véritable paradis pour les amoureux de la faune sauvage. Le site est bien connu des ornithologues pour le grand nombre d’espèces observées ici. Nous scrutons les berges des îles et le ciel avec attention. Il y a une multitude d’oiseaux. Un bon nombre d’entre eux sont là pour la même raison que nous : les poissons. Mouettes rieuses, goélands bruns et argentés, aigrettes garzettes, fous de bassan et, bien sûr, les sternes se relaient pour nous offrir un spectacle inoubliable dans la lumière du matin. S’il apprécie aussi le spectacle des oiseaux, Pierre-Yves est actuellement plus concentré sur ce qui se passe sous la surface : « Quand on recherche la daurade grise, le choix du poste est primordial. Cela fait plusieurs années que je pêche cette espèce, et j’ai effectué un travail précis de cartographie. Il faut repérer des structures intéressantes, comme des plateaux rocheux, des roches, des trous… Ces structures abritent des sparidés, car ceux-ci y trouvent leur nourriture : coquillages, vers… Ensuite, il suffit de faire un passage à l’échosondeur pour voir s’il y a du poisson sur la zone. »
Il est temps de placer la « strouille »
Premier spot et premiers échos, la zone semble être occupée par nos chères daurades. Notre ami coupe le moteur et descend une ancre sur le fond. Nous voilà calés, et le bateau ne dérivera pas avec le courant. Étape deux de la pêche de la daurade : strouiller. Il n’y a rien de tel pour faire venir les poissons sur la zone de pêche et pour les mettre en appétit. Chaque pêcheur a sa recette, gardée secrète, et contenant souvent un ingrédient magique qui fait la différence. Pierre-Yves a longtemps fait sa propre préparation, mais aujourd’hui, il utilise un pain de strouille de 3 kg (sardine pure broyée et compactée, de la marque Pexeo). Il place le pain dans un panier à strouille. Le panier est lourdement lesté, afin de rester à l’aplomb du bateau et à un mètre du fond. Il fait descendre le panier à l’avant du bateau, et nous pêcherons à l’arrière. Pierre-Yves se dirige vers la glacière. L’heure nous semble pourtant un peu matinale pour une boisson fraîche… Finalement, ce n’est pas un verre de blanc qui nous est proposé, mais un sachet contenant des morceaux de coquillages. Notre pêcheur utilise différents appâts : chair de coque, chair d’amande (un petit mollusque), chipiron, pied de couteau. Les daurades sont de fins palets et il est important que les appâts soient très frais. Pour cela, Pierre-Yves les conserve donc dans une glacière avec des pains de glace.
Quand les touches se succèdent
La technique de pêche est assez simple : il faut pêcher à l’aplomb du bateau, plomb posé au fond et ligne tendue. Notre ami nous avertit qu’il va falloir attendre un peu avant que les daurades se mettent sur la piste odorante de la strouille et trouvent nos appâts. « En général, si elles sont actives, il faut une petite trentaine de minutes avant d’espérer une première touche. » Nous gardons un œil sur l’aiguille de la montre et l’autre sur le scion de la canne. Finalement, il faut à peine 15 minutes pour sentir le premier poisson qui tire légèrement à l’autre bout de la ligne. Un ferrage puissant, et nous sentons le poids de la daurade au bout de la canne. Notre première daurade grise est bien piquée. Nous remontons notre poisson pendant que Pierre-Yves combat un autre individu. L’heure qui suit est un vrai régal : les touches se succèdent et nous remontons à bord une ribambelle de daurades. Sur le bateau, l’ambiance est à la franche rigolade. Les touches sont nombreuses et cette pêche ludique offre peu de temps morts. Une jolie vieille, aux couleurs éclatantes, s’est, elle aussi, laissée tenter par un juteux morceau de coquillage. Après deux heures de pêche, les touches se calment. Les poissons ont probablement bougé avec la marée, nous annonce Pierre-Yves. Il est temps de se poser un peu, et notre guide ouvre une seconde glacière pour se saisir de victuailles qui, cette fois-ci, nous sont destinées.
Les grises sont toujours amusantes à pêcher
Notre ami est intarissable sur son secteur de pêche. C’est un amoureux du Golfe, et nous partageons son enthousiasme : « C’est un lieu qui dépayse totalement pour qui sait le contempler et, bien sûr, le potentiel de pêche y est énorme ! » Si la daurade grise offre une pêche amusante, sa cousine, la daurade royale, est un poisson trophée pour beaucoup de pêcheurs. Cette dernière est rusée et puissante, sa traque est une affaire de spécialistes. La belle aux sourcils d’or peut atteindre des mensurations impressionnantes, et elle est capable de couper des hameçons avec ses dents aiguisées et sa mâchoire musclée. Tenir une daurade royale au bout de sa canne est un moment intense ; sa force est comparable à celle des poissons tropicaux ! Pierre-Yves fait partie de ces pêcheurs ayant été envoûtés par la royale, et il connaît très bien sa pêche. Le casse-croûte n’est pas encore fini, que nous avons déjà planifié une prochaine sortie avec notre ami pour aller tenter notre chance avec la belle !
Matériel et technique pour la grise
La technique de pêche : la pêche à soutenir
Matériel utilisé : Canne puissance 20/90 g, moulinet taille 5000
Montage daurade grise : double empile avec rotoperle pour éviter le vrillage du fil. Diamètre de fluoro : 35/100
Plombée : plomb poire de 80 à 120 g de monté sur émerillon rolling pour éviter le vrillage du fil. Il faut pêcher à l’aplomb du bateau, plomb posé au fond, ligne tendue. Ferrage à la touche. Nécessaire d’attendre une vingtaine de minutes avant que la « strouille » fasse effet
La daurade grise : taille légale de capture (23 cm), record du bateau : 52 cm