Comme toute sortie de pêche, ça commence par une préparation minutieuse la veille, étude approfondie des derniers bulletins météo, préparation et sélection des leurres pour le bar, montage des bas de ligne pour l’émissole et la royale, préparation des appâts. La marée sera de 80 le lendemain et le créneau utilisable ne sera que de deux heures, cela augmente la qualité du challenge tenté. Pour le montage des lignes je fais dans le simple et l’efficace, je connais bien l’endroit et je sais ce qui marche, il va falloir être précis et rapide. Je fais donc deux montages pour l’émissole et la dorade, les deux montages sont coulissants, un bas de ligne équipé d’un montage wishbone de chez Flashmer, déjà prêt à l’emploi avec un plomb olive de 50 g (donc relativement léger) que je compte utiliser au moment de l’étale de marée, et un montage avec hameçon circle hook en 4/0 avec un plomb poire en 80 g, monté lui-même sur un coulisseau arrêté par deux perles en caoutchouc. Ce montage sera utilisé à la formation du courant de bascule et me permettra de pêcher plus longtemps qu’avec le montage léger.
En dérive lente
La veille sera aussi dédiée à la récolte d’appâts frais, en l’occurrence une vingtaine de crabes verts de belle taille. Je sélectionne de gros crabes car ils induisent normalement la taille des poissons s’y intéressant. Une dizaine de crabes plus modestes seront destinés au montage wishbone. Dans la foulée je récolterai également quelques gros vers (arénicoles) que les poissons aiment bien en général. Détestant pêcher à l’ancre je pêche en dérive lente, d’où les temps de pêche réduits sur un coefficient de 80 dans les méandres de Landévennec. C’est une pêche de mouvement où l’on va chercher le poisson et non l’inverse. Le réveil sonne de bonne heure ce matin-là, j’ai chargé la voiture la veille, un café vite avalé, accompagné d’un bol de céréales, et c’est parti pour la demi-heure de route qui me sépare de ce spot tant convoité. Vers 6h15 je suis à pied d’œuvre et j’ai droit à un superbe lever de soleil. Je commencerai par la recherche des bars pendant le trajet qui m’emmènera jusqu’aux spots à dorades et émissoles. Il reste encore deux heures de montante, l’eau commence à mouiller le goémon de bordures et en général les poissons qui remontent avec le courant sont postés juste sous ces touffes de goémon. Le jeu étant de leur passer sous le nez un poisson nageur qui les fera bouger.
Une bonne châtaigne !
Pour cela j’ai pris un new crystal 3D minnow(S) en 90 mm de chez Yo Zuri qui pêche dans la couche des deux mètres sous la surface. L’emploi d’un kayak à pédales facilite ce type de pêche, l’attaque du poisson sur le leurre se faisant ressentir instantanément dans le blank que l’on tient en main. Et ça ne tarde pas, au bout de quelques centaines de mètres parcourus, c’est la châtaigne ressentie dans le bras qui m’annonce la première jolie prise. Bon combat à ras du goémon et il faut éviter au poisson qu’il ne retourne s’y réfugier. La possibilité d’un coup de marche arrière pour s’écarter de la berge est alors une aide précieuse. La fin de la première partie du challenge est validée par la mise à l’épuisette de ce poisson d’un bon 50+. Je suis encore loin du spot convoité et je ferai une dizaine de poissons avant d’y arriver, négligeant de belles chasses de bordures pour respecter le timing imposé. Arrivé sur le spot, le courant est en train de mollir, l’heure de l’étale n’est pas loin et je commencerai par le montage crabe wishbone, pendant une demi-heure. Je changerai toutes les cinq minutes d’esches mais sans prendre un seul poisson, que ce soit au crabe ou à l’arénicole. En revanche, je me fais dévaliser les hameçons par ce qui semble être de la petite dorade grise… Au bout de cette demi-heure, le courant commence à s’inverser doucement, il me reste, à tout casser, une heure exploitable avec ma méthode.
Je sens la ligne qui se déplace sur le fond…
Je sors la grosse artillerie avec les gros crabes verts et les hameçons circle hook. Deux minutes plus tard, c’est parti, je sens la ligne qui se déplace au fond, ferrage en règle, courbure de canne, c’est pendu et c’est lourd. Pendant plusieurs minutes il est impossible de la décoller du fond, je pense tout de suite à une grosse raie bouclée, j’en ai déjà fait de belles sur ce coin et puis ça commence à bouger. C’est une émissole, c’est certain car je ne reconnais pas les ondulations caractéristiques de nage de la raie, on les ressent bien dans le blank quand elle nage… Le poisson s’est décollé du fond, mais il ne semble pas décidé à monter vers la surface. Il s’est piqué dans 20 mètres d’eau et je sens que cela va durer un peu. À force de lui tirer dessus il commence à monter, tout en m’emmenant dans le courant. Là aussi l’utilisation de la marche arrière est un plus dans le combat avec un tel poisson. Comme d’habitude la première remontée en surface est suivie d’une replongée pratiquement jusqu’au fond, votre frein doit être réglé pile poil sous peine de casse… Il me refera deux autres fois la même chose, mais en plongeant moins profond et au bout de 14 minutes de combat je peux enfin le hisser dans le kayak en l’attrapant par la queue. Je n’utilise pas de pince ni de gaffe, bien sûr, et mon épuisette est trop petite pour ce poisson d’1,23 m qui me validera le deuxième palier de ce challenge. Quelques photos et remise à l’eau dans les règles de l’art. Il sera suivi de deux autres un peu plus petites, mais tout aussi combatives.
Une belle royale
Le troisième volet de mon triptyque arrivera à la suite de cette série. Comme je garde la canne en main (j’aime ferrer assez tôt pour éviter un hameçon piqué trop profond), je ressens assez vite ce qui se passe en bas et là je sens une touche différente, ça prend, ça relâche, ça prend, ça relâche, ça prend, je ferre énergiquement, pendu et départ violent, ça, ce n’est pas une émissole… Je ressens des coups de tête et des tirées, ça ressemble au volet 3 de mon triptyque… Après un combat de 3 à 4 minutes, le poisson, piqué aussi dans 20 mètres d’eau, arrive en surface, c’est bien mon volet 3. Elle s’est piquée par le ventre d’où le drôle de combat, et d’où la nécessité d’avoir des hameçons au piquant irréprochable. Au moment du ferrage elle a dû relâcher l’appât et j’ai peut-être piqué une de ses copines à côté. En tout cas avec ce poisson de 57 cm, ce qui commence à être sympathique pour cette espèce, je valide amplement mon triptyque de la rade. Dans la foulée un autre poisson viendra au kayak à peu de chose près de la même taille. Le courant est maintenant trop fort pour continuer cette pêche et je décide de revenir vers mon point de départ en recherchant les maquereaux que je ne trouverai pas. En revanche sur le retour je croiserai la route d’un marsouin en vadrouille avec lequel je resterai jouer pendant une heure, avant de remonter vers le pont de Terennez pour trouver un endroit sympa pour la pause déjeuner. Cette sortie m’aura donné l’occasion de valider, une fois de plus, ce magnifique spot, qui au fil de la saison permet d’espérer toucher pas mal d’espèces différentes. De nombreux guides de pêche y emmènent leurs clients, espérons qu’ils leur prodiguent de bons conseils pour respecter ce coin comme il doit l’être. J’en connais certains et n’ai pas de doute là-dessus. Bar, émissole, royale, contrat rempli…