Endémique de la région de la mer Adriatique (nord de l’Italie et pays de l’ex-Yougoslavie), la truite marmorata, également appelée truite marbrée, présente une aire de distribution réduite, ce qui en fait une espèce assez rare. Si on ajoute à cela une robe splendide et singulière, teintée de vert olive plus ou moins foncé et ornée de marbrures typiques, une forte croissance et une belle longévité qui lui permettent d’atteindre des tailles considérables (le record dépasse 20 kg !), on comprend l’intérêt qu’elle peut éveiller chez tout passionné de salmonidés.
La truite marmorata : une espèce qui a dérivé de la truite fario
La truite marmorata (Salmo marmoratus) a longtemps été classée comme une sous-espèce de truite fario. Désormais, avec les progrès des analyses génétiques, les scientifiques la considèrent comme une espèce à part entière, qui aurait dérivé de la truite fario dans le bassin de la mer Adriatique il y a plusieurs centaines, voire millions d’années. Elle est endémique des rivières confluant dans la mer Adriatique (nord de l’Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine principalement), qui étaient toutes plus ou moins en contact à une période lointaine pendant laquelle le niveau de la mer était bien plus bas qu’aujourd’hui. Cette espèce a donc une aire de distribution très réduite. La truite marmorata présente une robe singulière, de teinte générale vert olive à beige, ornée de marbrures très particulières. Sa tête est également un peu plus large et sa bouche plus fendue que la fario. Plus encore que cette dernière, elle montre un régime alimentaire essentiellement piscivore à partir d’une certaine taille.
Juste avant la fonte des neiges
J’avais déjà eu l’occasion de faire connaissance avec cette belle truite dans la Sésia, il y a plus de 20 ans, mais trop brièvement pour ne pas me laisser une envie de « reviens-y ». Pendant cette semaine trop courte, nous avons eu l’occasion de pêcher et de découvrir plusieurs rivières, toutes très intéressantes mais différentes, chacune présentant ses particularités. Les profils étaient variés, allant de la grosse rivière de montagne roulant ses flots puissants dans un lit de galets, au gros torrent alpin au cours parsemé d’énormes blocs rocheux et de vasques profondes et prometteuses, en passant par un secteur de rivière calcaire s’écoulant au fond d’un canyon abrupt au profil très singulier. Chaque journée a ainsi révélé une facette des nombreuses possibilités de pêche de cette magnifique région, en même temps qu’elle nous confrontait à des conditions différentes auxquelles il fallait s’adapter, ce qui n’était pas le moindre intérêt du séjour. Les guides qui nous ont accompagnés se sont en outre montrés de bons professionnels, connaissant bien leur secteur et leur sujet, et leur concours fut très appréciable. Nous avions choisi de partir en mai, juste avant la fonte de neige, une des deux périodes favorables pour traquer la marmorata avec septembre.
La pêche s’est essentiellement déroulée sous l’eau, en nymphe au fil. Nous avons bien eu quelques opportunités de pêche en surface, pendant de brèves éclosions survenues au milieu de certaines journées, mais elles concernaient essentiellement des farios, bien présentes dans ces rivières en plus des marmorata. Au dire des guides, l’activité de surface est bien plus importante en été et en fin de saison, période à laquelle les éclosions peuvent faire monter en surface des marmorata, mais rarement des grosses. Pour prendre cette truite endémique, il faut donc le plus souvent pêcher sous l’eau.
En nymphe
Les rivières que nous avons pêchées se prêtent bien à la pêche en nymphe au fil, avec de belles veines d’eau porteuses et bien marquées. Un assortiment de modèles avec des grammages variés est évidemment capital pour s’adapter aux différentes configurations rencontrées. Les débits n’étaient pas trop forts et nous n’avons donc pas eu à pêcher très lourd, utilisant le plus souvent des nymphes avec des billes de 3,5 à 3,8 mm. Il a été amusant de constater que chaque guide a son opinion sur les modèles à privilégier, par exemple des nymphes avec une collerette de fibres molles et mobiles en cul de canard pour l’un, ou avec des billes roses pour l’autre, des avis variés qui reflètent certes leur expérience dans des rivières et des conditions différentes, mais qui permettent aussi de relativiser l’importance du modèle par rapport à des critères tels que le grammage et la façon de présenter. Cette pêche au fil nous a permis de prendre de belles fario, qui ont représenté la majorité des captures, mais aussi régulièrement des marmorata. Beaucoup étaient plus ou moins hybridées comme l’attestaient leur robe et la présence de points rouges, mais certaines ne présentaient aucun de ces signes, ce qui laissait donc penser qu’elles étaient de « souche pure ». Ces marmorata, à la défense plus lourde et près du fond, se tenaient souvent dans des veines d’eau bordant de beaux abris, où elles sont régulièrement postées avec un « œil à la fenêtre », n’hésitant jamais à sortir pour « cueillir » toute proie qui passe à portée. D’où l’importance de présenter son imitation au plus près des structures.
Les marmorata réagissent bien aux nymphes, du moins dans la gamme de taille courante. Si nous avons pris de belles truites, dépassant la barre des 50 cm pour les plus grosses, nous n’avons cependant pas touché de vraies grosses marmorata. Au dire des guides, il n’est pas fréquent de piquer des marmo de plus de 60 cm en nymphe. À partir de cette taille, ces truites deviennent en effet essentiellement piscivores et la pêche au streamer est alors la plus efficace sur ces spécimens, en utilisant parfois des modèles de grande taille, digne de ceux dédiés à la pêche du brochet ! Il faut voir la grosse tête et la large gueule d’une grosse marmorata pour comprendre qu’un streamer de 15 à 20 cm ne lui fait pas peur… Mais ce n’est pas du tout la même pêche. Et les grosses marmo n’étant ni très nombreuses ni toujours actives, il ne faut pas s’attendre à de nombreuses touches.
La bonne stratégie
C’est donc une question d’objectif : se focaliser sur les spécimens en pêchant avec des streamers de taille conséquente, des soies lourdes et une pêche de ratissage en attendant LA touche. Ou s’orienter dans une pêche plus légère en nymphe, qui permet de pleinement profiter des belles fario qui peuplent ces rivières tout en prenant régulièrement des marmorata de 40 à plus de 50 cm. Chacun fera son choix en fonction de ses envies, celle d’un jour pouvant en outre changer le lendemain ! Pour se donner la possibilité de tout faire, il est donc judicieux d’avoir avec soi une canne de puissance 7 à 8 et des soies correspondantes de différentes densités, sans oublier une boîte garnie de différents modèles de streamers, mais aussi une canne de 10’6 à 11’ pour soie 3 à 4, avec un bon assortiment de nymphes de différents grammages. Une boîte de sèches n’est en outre jamais superflue, plus encore à partir de l’été, période à laquelle il peut être judicieux d’avoir une canne spécifiquement dédiée à cette technique. Les rivières que nous avons pêchées étaient toutes intéressantes. Bien sûr, nous sommes en Italie et, comme en France, certains secteurs souffrent un peu de divers aménagements, bien qu’ils puissent présenter un intérêt certain pour la pêche. D’autres, en revanche, présentent un profil et un environnement magnifiques, pouvant laisser croire qu’on pêche au bout du monde, alors qu’on est à deux pas de chez nous ! Enfin, difficile de ne pas parler de ce séjour et de cette région sans évoquer les paysages, parfois grandiose, comme on en trouve régulièrement dans les Alpes, mais aussi avec des aspects typiques de la région des Dolomites, sans oublier ses habitants, aussi sympathiques qu’accueillants. Et quand on en repart, il est difficile de ne pas penser y revenir…
Les Dolomites avec DHD Laïka
Situées dans le nord-est de l’Italie, les Dolomites constituent un massif montagneux des Préalpes orientales méridionales, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Culminant à 3343 m, ce massif est caractérisé par une dominante de dolomie, une roche calcaire qui lui a valu son nom. Il est sillonné de plusieurs vallées où s’écoulent de nombreuses rivières. L’Agence DHD Laïka connaît bien cette destination qu’Adrien de Villeneuve a pêchée plusieurs fois et où il a de nombreux contacts. Il saura vous aiguiller sur les meilleures rivières du moment, selon vos envies et la saison que vous choisirez.
Contacts : www.dhdlaika.com - 06 50 77 82 34
Un programme de restauration des marmorata en Italie
Dérivant de la truite fario, la marmorata reste interféconde avec cette espèce. Les introductions massives de truites fario de lignées atlantiques et danubienne depuis le début du XXe siècle ont donc eu comme conséquence une forte hybridation des populations de marmorata. Depuis quelques années cependant, cette problématique est prise en compte par les gestionnaires qui ont modifié leurs pratiques. Les introductions de truite fario sont désormais arrêtées ou fortement réduites et laissent place désormais à des programmes d’empoissonnement avec des truites marmorata provenant d’élevages avec des géniteurs non hybridés, sélectionnés sur la base d’analyses génétiques.