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La pêche à la mouche, une vraie activité physique

L’image du pêcheur à la mouche ne pratiquant qu’en sèche sur les rivières lentes de plaine est aujourd’hui sur le point d’être révolue. Le moucheur moderne doit disposer d’une bonne condition physique et d’un sens de l’observation aiguisé s’il veut réussir ses sessions. Nous avons questionné Thibault Latreme, moucheur et kinésithérapeute, pour en savoir plus sur la condition physique d’un pêcheur à la mouche…

Thibault, en plus d'être fin pêcheur à la mouche, tu exerces le métier de kinésithérapeute, comment organises-tu ton planning entre ton travail, ta passion première et ta famille ? 
Thibault Latreme : Les professions de santé sont très chronophages, c’est un rapport de force permanent entre une demande pressante de soins et une offre qui n’est pas extensible dans le temps. Les journées sont parfois longues et épuisantes, mais toujours enrichissantes dans ma pratique professionnelle et par les rencontres qu’elles m’amènent à faire. Il ne m’est donc pas permis d’envisager un coup du soir l’été car une fin de journée de travail se situe aux alentours de 19h30- 20 heures, et après douze heures de travail, on a souvent envie de rentrer chez soi retrouver les siens. Mes sorties pêche se résument donc à des demi-journées ou journées, dans le Var (83) ou dans les Alpes-Maritimes (06) au plus proche de chez moi, voire à des grands week-ends dans les Hautes-Alpes, département que j’affectionne tout particulièrement.

Thibault Latreme, moucheur et kinésithérapeute.
Crédit photo : Bernard Galliano

Que t'a apporté ton métier dans la pratique de ta passion ?
Ma profession me permet surtout d’identifier quels sont les mauvais gestes que je peux réaliser au cours d’une journée de pêche, et mes faiblesses personnelles. La compréhension de la biomécanique humaine se fait en analysant un geste, une posture, et en identifiant les muscles acteurs d’un mouvement ou stabilisateurs d’une position. C’est en quelque sorte un arrêt sur image. Mon métier prend alors son sens au niveau des ressentis. Cela peut être une gêne, un inconfort de mon dos sur une position, une douleur au niveau du cou et des épaules en fin de journée et parfois une fatigue prononcée. C’est grâce à mon métier que je peux corriger mes postures et mes gestes, économiser de l’énergie et donc ne pas me blesser.

Considères-tu la pêche comme une réelle activité physique et la connseillerais-tu à tes patients ?
Bien sûr que la pêche à la mouche est une activité physique ! Quand on me demande si je pratique un sport je dis oui, et si la personne doute, je l’invite à m’accompagner pendant une journée ! La pêche à la mouche recrute tous les muscles de la statique du corps. Elle nécessite un travail des paravertébraux et des abdominaux pour tenir debout toute une journée, mais aussi des jambes pour marcher et crapahuter dans l’eau et des muscles des membres supérieurs, autant de façon dynamique lors des faux lancers que sur des phases statiques. Évoluer sur un substrat constitué de galets ou de rochers glissants peut être éprouvant à la fin de la journée. Le dernier point concerne la concentration et les réflexes. Il faut avoir les yeux rivés sur sa mouche, être concentré sur une dérive, prêt à ferrer à chaque arrêt du fil ou au gobage. Le système visuel et cérébral est mis à rude épreuve et consomme beaucoup d’énergie. C’est donc un sport complet qui peut être pratiqué par tous, mais qui n’est pas sans contrainte pour les systèmes musculo-tendineux et articulaires.

La plupart des techniques de pêche « au fil » nécessitent le maintien en position haute des muscles deltoïdes
Crédit photo : Bernard Galliano

Que peut apporter la pêche à la mouche à tes patients ?
La pratique de la pêche à la mouche peut leur permettre de se reconditionner progressivement à une activité physique. Lors des déplacements en rivière, elle apporte une tonification globale des muscles du tronc par la variation des postures, une amélioration de l’équilibre en statique et dynamique, une diminution du temps de réaction et une amélioration des réflexes par la répétition. N’oublions pas que la pêche à la mouche est aussi pratiquée par des personnes à mobilité réduite. Ceci ne dépend que du lieu de pratique (étangs, lacs ou retenues avec aménagements spécifiques, grandes rivières de plaines ou torrents de montagne) et non du handicap.

Éventuellement, quels peuvent être les risques musculaires, osseux et tendineux liés à une pratique intensive en rivière ?
Toute pratique sportive comporte ses risques. Et la pêche à la mouche n’y échappe pas. Quel que soit l’âge, il faut distinguer deux types de risques : traumatiques et musculo-tendineux ou troubles musculosquelettiques. Le traumatisme est inhérent aux deux facteurs environnementaux et humains. Par exemple, il peut s’agir d’une chute ou d’une glissade sur une berge ou des galets glissants. Les conséquences sont bénignes dans la plupart des cas (contusion et hématome, entorse de chevilles, poignets…) mais peuvent éventuellement altérer voire stopper net votre partie de pêche (entorse de cheville ou genou, luxation, rupture de ligament, fracture, traumatisme crânien…). Ces accidents sont indépendants de notre volonté et peuvent arriver à tous les âges, du novice au professionnel. Avant même d’avoir commencé la partie de pêche, la fatigue peut altérer les réflexes et le jugement, engendrer une mauvaise évaluation des risques et une surestimation des capacités. Concernant les troubles musculosquelettiques, ils dépendent de la fréquence et de l’intensité de la pratique, mais aussi des mauvaises postures ou gestes que le pêcheur peut effectuer au cours de ses sorties. Les gestes itératifs sont néfastes sur les articulations et les tendons, il en résulte des douleurs articulaires, musculaires de type courbatures, voire des tendinites sur les sujets jusqu’à 60 ans environ. Au-delà, les risques peuvent s’aggraver, engendrant arthrose de l’articulation gléno humérale, bursite, capsulite et fissuration tendineuse de la coiffe des rotateurs. Mais dans le domaine de la santé, nous ne sommes pas tous égaux et il n’y a pas vraiment de règles. Écouter simplement son corps permet de retarder ces désagréments.

La pratique de la pêche à la mouche peut permettre de se reconditionner progressivement à une activité physique.
Crédit photo : Herlé Hamon

Et donc que préconises-tu ? Des échauffements à la maiso ? Un entraînement extérieur ?
S’échauffer à la maison n’a que peu d’effets sur le corps au moment de pêcher, sauf si, comme moi, vous avez trois heures de route à faire entre 4 heures et 7 heures du matin pour vous rendre du Var aux Hautes-Alpes pour votre partie de pêche. Une fois au bord de l’eau, évitez d’attaquer immédiatement. Buvez une boisson chaude, mangez une barre de céréales, faites chauffer vos articulations tel un vrai sportif. Privilégiez les cervicales, les épaules, les coudes et les poignets qui seront mis à rude épreuve, et étirez vos muscles des bras, du dos, et des jambes.

Quels groupes musculaires sont généralement les plus sollicités dans la pratique de la pêche à la mouche ? Que recommandes-tu en cas de faiblesse sur l'un d'entre eux ?
De manière générale, le groupe musculaire qui peut « souffrir » d’une sollicitation intensive est la coiffe des rotateurs au niveau de l’épaule du pêcheur. L’épaule est un complexe de trois os s’articulant ensemble : L’omoplate, la clavicule et l’humérus. La coiffe des rotateurs est un groupe de quatre petits muscles qui ont pour rôle de stabiliser la tête de l’humérus en contact avec la glène de l’omoplate lors des mouvements (il s’agit du sus-épineux, sous-épineux, sous-scapulaire et petit rond). Le muscle sus-épineux est souvent le premier touché avec douleur d’épaule dans un premier temps pouvant évoluer sur une tendinite. Une douleur d’épaule anormale, qui perdure et qui vous réveille la nuit doit vous alerter. Si rien n’est fait, la tendinite peut s’aggraver jusqu’à la fissuration voire la rupture totale du tendon en question. Au moindre doute, il ne faut pas hésiter à consulter son médecin qui nous orientera sur un diagnostic adapté. Au-delà de votre épaule, c’est votre dos et vos lombaires qui peuvent vous faire souffrir au cours de la journée. Ces douleurs sont peut-être associées à une mauvaise posture ou une hypotonie des muscles paravertébraux et abdominaux. Un renforcement des muscles abdominaux et dorsaux, et des étirements des ischio-jambiers sont la clé pour améliorer votre état de santé. Ils libèrent votre bassin et provoquent une délordose lombaire.

La pêche des truites de montagne demande une bonne condition physique
Crédit photo : Bernard Galliano

Qui dit pratique sportive dit aussi bonne hygiène de vie, quels sont tes conseils pour être efficace à 100% à chaque session ? 
De votre sommeil dépendent vos performances. Une bonne nuit reposante rend votre cerveau plus éveillé, plus réactif. Adaptez votre matériel à votre technique. Une pêche en nymphe au fil nécessite un ensemble canne-moulinet léger afin d’éviter à votre épaule de lever trop de poids par exemple. Échauffez-vous avant de commencer votre session de pêche et pensez à vous hydrater régulièrement.

Connais-tu un ou des aliments plus appropriés que d'autres à ajouter aux repas du pêcheur à la mouche ? 
Une alimentation variée et équilibrée en nutriments est la base de tout. Sans recommander ou proscrire certains types d’aliments, je m’attarderai juste sur ce que je pense être essentiel. Ne commencez pas votre partie de pêche à jeun, un bon petit-déjeuner vous apporte les nutriments nécessaires au fonctionnement neuromusculaire sur les premières heures de la matinée. Le fonctionnement musculaire et cérébral est basé sur un apport en nutriment et sels minéraux que vous retrouverez en abondance dans les fruits secs. Je prends donc toujours avec moi des barres céréalières, du chocolat noir et un sachet de noix, noisettes et amandes. J’y rajoute également des abricots et raisins secs. Je les grignote tout au long de la journée pour garder la forme. Pour l’eau, j’emporte le minimum, et dispose d’un purificateur d’eau me servant à filtrer l’eau de la rivière.

La préparation physique de Jean-Guillaume Mathieu, compétiteur international et membre de l'équipe de France

En plus d’être un garçon débordant de qualités humaines, Jean-Guillaume détient un palmarès international hors du commun : Champion du monde par équipe en Slovaquie en 2017, vice-champion du monde par équipe aux États-Unis en 2016, deux fois troisième par équipe en championnat du monde, champion et vice-champion d’Europe en individuel et deux fois troisième par équipe en championnat d’Europe. À cela viennent s’ajouter trois titres de champion de France rivière entre 2012 et 2016.

Un entraînement sportif

Ce maintien au plus haut niveau de la pêche à la mouche en France n’est pas un simple hasard. À 40 ans, Jean-Guillaume est un véritable sportif qui s’impose une préparation physique drastique tout au long de l’année. La base de son entraînement annuel commence par 6000 à 8000 km de vélo de route, cycle cross ou VTT. Avant l’ouverture en mars, il vient y greffer un ou deux footings de 10 à 25 km par semaine qui renforcent l’ensemble de sa musculature inférieure, sa ceinture abdominale et son cardio. Un mois avant le jour J, notre champion s’autorise une pause de 15 jours pendant lesquels il ira à la pêche 2 à 4 fois par semaine. Il conservera malgré tout, des séances de pompes et de gainage. Avant le début de la compétition, pendant la semaine officielle d’entraînement, il effectue en plus deux footings de 8 à 12 km. Pour Jean-Guillaume, une bonne condition physique est indissociable de ses résultats réguliers en championnat. Il n’hésite pas à miser gros sur cette carte en affirmant qu’elle lui a déjà sauvé des manches très serrées où la prise de poissons se jouait principalement à la vivacité et à la clairvoyance du pêcheur.

 

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