1. Les insectes du moment
Au cœur de l’été, par forte chaleur et débit minimaliste, nous vivons généralement en journée des éclosions d’insectes de toute petite taille. Que ce soit des invertébrés aquatiques ou terrestres, les poissons seront focalisés sur ces sources de nourriture importante en quantité, mais pauvre en qualité. Les imitations qui sortiront de nos boîtes seront majoritairement montées sur des hameçons du 18 au 22, parfois moins, et imiteront bien souvent fourmis, diptères et autres caenis. Lorsque nous sommes obligés de choisir des imitations si petites, nous sommes contraints d’affiner notre pêche à l’excès et de forcer l’observation afin de ne pas passer à côté de notre sortie pour un détail. Effectivement, plus les proies sont petites, plus les poissons sont regardants, notamment quand les vitesses de courant sont faibles, comme par étiage, ou quand ce type de proie n’est mangé que dans des amortis ou des calmes, nécessaires aux poissons pour cibler leur attaque.
Anecdote : il y a quelques années, lors d’une semaine de pêche sur le lac Pavin, dans le Massif central, les soirées étaient marquées par des retombées massives de petites fourmis ailées et les truites fixées sur cet insecte, qui nous faisaient vivre des coups du soir féeriques. Un soir, alors que l’activité battait son plein en surface, il était impossible de prendre le moindre poisson avec nos imitations à ailes… et pour cause ! Au milieu de ces milliers de fourmis, très visibles par la brillance de leurs ailes, s’étaient jointes à la fête, moins de 10 % de coccinelles, beaucoup moins visibles du fait de leur flottaison beaucoup plus basse. Les poissons étaient focalisés sur ces dernières ! Même taille, même couleur, même zone, mais forme et hauteur de flottaison différentes, il a fallu observer précisément cette éclosion pour arriver à revenir dans le match, sans quoi le capot était assuré !
2. L'importance de l'hameçon
Pour de si petites imitations, il ne faudra pas lésiner sur la qualité de l’hameçon pour garantir un équilibre à la mouche, mais aussi assurer au maximum le ferrage et le combat, sans quoi, le taux de décroche sera très important. Deux références sortent alors du lot. En sèche, le TMC103bl du 17 au 21 a un rapport unique en matière de proportion et de légèreté (tout en étant extrêmement solide). Dans cette catégorie, il est inégalé et ses utilisateurs seront unanimes à son sujet ! Pour ce qui est des nymphes, les choix sont plus larges car il est plus aisé de fabriquer un hameçon « lourd ». Malgré tout, le TMC2488 est un incontournable. Son ouverture permet d’utiliser une bille ou un lestage interne sans risquer de masquer sa pointe.
Conseils : cette référence n’existe qu’avec ardillon. Je vous recommande cependant de le limer afin de garantir un bien meilleur ferrage, et de limiter le taux de décroche. En effet, en plus de la pénétration facilitée, un ardillon occasionnera une déchirure alors qu’un « barbless » ne fera qu’une piqûre. Une déchirure, coupera les chaires et de ce fait on risquera de perdre bon nombre de poissons alors qu’une piqûre sera bien plus difficile à ôter. (Comparez une lame de couteau à une aiguille. Dans le premier cas il faudra forcer pour l’enfoncer et en tirant on va couper. Dans le second cas, l’aiguille va pénétrer sans contrainte et il sera extrêmement difficile à extraire autrement qu’en la retirant). Il est possible de monter de toutes petites mouches sur des hameçons de tailles standards, on parle alors de montage anorexique. Particulièrement adapté à la pêche de jolis poissons, l’emploi d’un hameçon de bonne taille, malgré la petite mouche assemblée dessus, assurera une meilleure tenue du poisson et limitera le taux de décroche.
3. Petites nymphes, petites sèches, même combo !
Dès lors que nous allons pêcher des rivières basses avec des vitesses de courant faibles, nous allons être contraints d’abandonner certaines techniques de pêche en nymphe. Avec des poissons craintifs et dans peu d’eau, on utilisera souvent des billes laiton ou des billes tungstène inférieures à 2,3 mm, à une distance convenable supérieure à 6 ou 7 mètres si on est discret. Dans ce cas impossible de mettre en œuvre les techniques dites de « l’european style », ou de « l’espagnole ». En effet, ces techniques imposent que les mouches aient un certain poids poids pour qu’elles puissent entraîner le bas de ligne à bonne distance, ce qui est possible généralement avec un minimum de 0,1 g (soit une bille tungstène fendue de 2,5 mm) pour une canne type 10’6#2. On va donc opérer un retour technique de quelques années afin d’abandonner ces techniques modernes pour opter pour un ensemble qui serait polyvalent en temps normal, mais qui devient spécifique aux vues des conditions. Une canne progressive de 9’6 à 10’ pour soie de 3/4, qui propulsera une petite soie WF et un bas de ligne dégressif assez long muni d’un repère fluo en guise de porte-pointe, permettra d’envoyer des mouches extrêmement petites et légères, sèches ou nymphes. Avec l’emploi de petites mouches légères, il est possible de descendre en puissance de canne et de passer à du 2/3. Ceci permettra de pêcher plus fin sans trop craindre les risques de casse au ferrage sur des fils fins, mais aura quelques contraintes en matière de vitesse et précision notamment avec un vent même modéré. La puissance de 3/4 reste donc le bon compromis.
4. Les techniques reines
La sèche, la nymphe au fil plaqué et le tandem light couvriront la quasi-totalité des besoins techniques dans les conditions d’étiage. Pour cela un seul bas de ligne permettra de couvrir ces trois pratiques. Simple, polyvalent à l’extrême, et ultra-efficace, il devrait avoir une place dans chaque gilet de pêche !
Type de fil | Queue de rat Nylon | Nylon bicolore | Nylon |
Longueur (cm) | 380 | 70 | 100 à 150 |
Diamètre (en centièmes) | 18 | 16 ou 14 | 7 à 10 |
Pour le tandem, il sera très important d’utiliser en sauteuse une sèche en proportion de la taille de la nymphe. Une fourmi sur hameçon de 18 pourra très bien pêcher avec une petite nymphe en pointe, sachant que celle-ci devra être posée parfaitement à l’amont de la sèche, les deux mouches pêchant en oblique, la nymphe ne devant jamais se trouver en verticale de la sèche. Pour ce faire, il ne sera pas surprenant d’utiliser une longueur entre les deux mouches variant de 2 à 3 fois la profondeur. Cette taille permettra d’assurer une dérive suffisamment longue pour que les deux mouches aient le temps de pêcher avant que la nymphe n’entraîne la sèche.
5. Les diamètres de pointe
Bien qu’efficace, l’utilisation de petites mouches occasionne plusieurs contraintes. La première d’entre elle sera l’utilisation de fils fins où très fins, le 10/100 étant le grand maximum si l’on souhaite que la mouche garde la majorité de ses capacités de pêche. Effectivement, si matériellement il est possible de nouer un 14/100 à un œillet d’un diamètre de moins de 18, la proportion entre le diamètre du fil et la taille de la mouche sera parfaitement déséquilibrée. Dans l’idéal (qui peut parfois être parfois bien différent de la pratique par rapport aux conditions du jour), on pourrait dire que l’équilibre parfait entre la taille de la mouche et le diamètre du fil serait :
Taille de l'hameçon | Diamètre du fil de pointe |
10 | Du 13 au 18/100 |
12 | Du 11 au 14/100 |
14 | Du 10 au 12/100 |
16 | Du 9 au 11/100 |
18 | Du 8 au 10/100 |
20 | Du 7 au 9/100 |
Avis personnel : Je ne crois pas que le facteur qui détermine le diamètre de pointe soit la discrétion vis-à-vis de la vue du poisson. Quand on constate que les truites et les ombres sont capables de s’alimenter de proies quasi transparentes et de taille inférieure au demi-millimètre, je suis persuadé que les poissons voient tout aussi bien un fil de 10/100 qu’un 20, mais que cette différence est effacée par le volume de la mouche présentée. La différence de diamètre ne joue que sur la qualité mécanique de présentation. La mouche étant bridée par la rigidité du fil, il faut respecter un diamètre de fil maximum par rapport au volume de l’imitation, pour que celle-ci soit présentée le plus librement possible afin que le poisson ne soit pas perturbé par une dérive qui ne serait pas naturelle. La mouche doit donc contraindre la résistance du fil à l’eau et non l’inverse !
6. Un bon Nylon
L’utilisation du Nylon a une très grande importance quand on emploie des petites mouches. D’une part, sa souplesse : à diamètre égal il sera plus souple que le fluorocarbone, ce qui laissera plus de liberté à votre imitation. D’autre part, sa densité : plus faible que le fluoro, il ralentira l’immersion de vos mouches. Si vous pêchez des zones très calmes, il sera nécessaire de dégraisser une partie de votre pointe, afin qu’elle ne marque pas la surface à proximité de la mouche. Dégraisser un Nylon est facile, un fluoro extrêmement difficile! Veillez tout de même à ce que votre bas de ligne soit parfaitement graissé pour assurer un meilleur ferrage, des arrachés plus discrets et ralentir l’immersion de vos mouches (tout en dégraissant quand même les derniers centimètres de pointe).
7. Prendre les poissons à contre-pied
Même si l’idéal est bien sûr de coller au plus près des conditions du moment et de s’adapter tant au niveau de la technique que des imitations employées, il est parfois un véritable casse-tête que de déjouer la méfiance d’un poisson focalisé sur des microproies dans des conditions d’étiage sévère. Une solution peut cependant parfois nous sortir d’affaire lors des journées les plus difficiles. Alors que les poissons sont en activité et concentrés sur de toutes petites proies, on peut donc contourner le problème, en jouant sur l’effet de surprise. Au lieu de chercher à imiter au mieux des « midges » sur hameçon de 24 ou de 26 et de risquer la décroche, de descendre dans des diamètres et risquer la casse, il peut être employée une solution radicale et aux antipodes de la logique. Un poisson focalisé sur une source d’alimentation précise sera très sensible aux détails de ce qu’on va lui présenter, que ce soit au niveau de la précision des couleurs, des hauteurs de flottaison, ou en termes de forme, et cela est d’autant plus vrai que les insectes présents seront petits. Passer alors sur un très gros sedge ou un gros diptère permettra peut-être de tromper le poisson qui ne refusera pas cette occasion inopinée de s’alimenter copieusement. Cependant, dans ce cas, il ne faudra pas lui laisser le temps de réfléchir, et au lieu de jouer sur une présentation ultra-naturelle avec une longue dérive soignée, on cherchera à le surprendre en posant au plus près de lui, pour que son attaque soit réflexe ! Il ne faut pas généraliser systématiquement cette approche, mais ne pas hésiter à l’employer, parfois, après quelques dérives naturelles refusées. Cette solution ne sera certainement pas la recette miracle mais permettra d’ajouter quelques poissons à une journée délicate.
Anecdote : durant le championnat d’Europe 2009 en Irlande, alors que j’avais fini la compétition, je suis allé voir mon ami Laurent Gagneux alors en lisse durant sa manche de pêche en rivière. Et là, surprise ! La rivière, genre de chalkstream tourbeux irlandais, était en ébullition ! En l’espace de quinze jours, c’était la première fois que nous la voyons comme ça ! Les poissons étaient attablés sur des « micro-midges », et malgré une approche exceptionnelle de Laurent, rien ne déclenchait ces poissons qui pipaient discrètement la surface de l’eau. D’un coup, le bruit d’un gobage, complètement différent des autres lui a fait mettre un sedge (type ZC13) énorme (H12!) pour cibler le poisson qui avait gobé différemment. Première dérive, gobage, ferrage, épuisette ! Il avait trouvé la solution ! Les poissons étaient trop sélectifs, et il a fallu, ce jour-là, non pas se rapprocher au plus près de la réalité, mais au contraire s’en éloigner et les prendre à contre-pieds !
Conseils : les fortes chaleurs de l’été, les faibles débits et des poissons hypersélectifs en pleine, focalisées sur des microproies, peuvent aisément se transformer en agréable douceur des débits respectables des températures d’eau fraîches et des poissons hyperactifs et peu regardant tout ça en prenant un peu d’altitude. En effet, en montagne, les fraîches températures nocturnes permettent aux rivières de conserver des températures basses en journée, ce qui permettra un bon taux d’oxygénation de l’eau et de ce fait une activité alimentaire des poissons très prononcée. Alors, si on souhaite profiter de belles parties de pêche, avec des poissons en pleine forme et tout ça sans être obligé de finasser de trop, prenons un peu d’altitude !