Lorsqu’on pêche les lacs de montagne, on est à même de rencontrer cinq espèces de salmonidés. La truite fario est évidemment la plus fréquente, peuplant la majorité des lacs. Mais elle est parfois accompagnée d’autres « cousins », voire absente de certains lacs qui peuvent pourtant être peuplés d’autres espèces. Bien qu’appartenant toutes à la « famille » des salmonidés, chaque espèce a son comportement, qu’il est toujours bon de connaître pour adapter sa stratégie lorsqu’on veut bien la pêcher.
La fario s'alimente de manière variée
Commençons par la truite fario, l’espèce la plus répandue dans les lacs de montagne et qui est notamment présente dans la quasi-totalité des lacs de basse et moyenne altitude (moins de 2000-2200 m) peuplés de poissons. Des cinq espèces qui peuplent ces lacs aux eaux cristallines, elle est sans doute celle qui montre la plus large palette comportementale. Elle fréquente en effet toutes les couches d’eau et adopte des stratégies alimentaires variées au gré des saisons et des conditions. Capable de se tenir en profondeur sous plusieurs mètres d’eau comme en surface, elle peut aussi chercher sa nourriture au large, en plein milieu du lac, comme elle peut également raser les berges dans 30 cm d’eau en quête d’insectes terrestres. C’est évidemment lorsqu’elle croise en surface ou dans les deux premiers mètres qu’elle est la plus intéressante à pêcher à la mouche, particulièrement en sèche. La stratégie peut varier en fonction des conditions.
Tout commence par une phase d’observation, les truites n’étant jamais uniformément réparties dans le lac, mais fréquemment concentrées dans quelques zones plus porteuses en nourriture, qui varient au gré des conditions. Lorsqu’on peut les localiser grâce aux gobages ou par observation directe, c’est évidemment elles qu’il faut cibler. À défaut, on peut pêcher les postes (pointes, anses et hauts fonds herbeux, tombants rocheux, arrivées et sorties d’eau,…). Par vent fort, on aura intérêt à utiliser une mouche suffisamment grosse (hameçon n° 12 à 14) et un bas de ligne pas trop long. On peut pêcher en laissant la mouche dériver au-dessus des postes, ou au contraire l’animer un peu pour créer un léger sillage qui attire souvent les truites en surface lorsque les vagues les gênent pour bien voir la mouche. Avec un vent faible ou nul, les truites sont plus méfiantes et mieux vaut alors pêcher à vue, meilleur moyen de ne pas effrayer un poisson par un posé trop proche parce qu’on ne l’avait pas vu préalablement. Un long bas de ligne et une pointe fine sont dans ce cas indispensables, tout comme des artificielles de petite taille (n° 16 à 20). Si la sèche ne fonctionne pas, on peut aussi pêcher avec de petites nymphes, ce qui décide souvent des truites récalcitrantes à prendre une mouche sur une surface totalement lisse.
Les arcs ont la tête en l'air
Les truites arc-en-ciel sont également présentes dans certains lacs de montagne. Qu’elles soient sauvages (quelques rares cas) ou qu’elles aient été introduites au stade alevin (cas le plus fréquent), elles sont très intéressantes pour la pêche à la mouche, car elles ont souvent la tête en l’air à marauder des insectes en surface. Par rapport à la fario, l’arc-en-ciel s’approche moins des berges et évolue plutôt loin du bord. Il faut donc souvent allonger la soie pour la prendre. Autre différence : elle avance assez rapidement lorsqu’elle croise sous la surface à la recherche de nourriture. Il faut en tenir compte lorsqu’on repère un gobage et qu’on tente de lancer sa mouche sur sa trajectoire supposée. Elle navigue régulièrement en petits groupes, qu’on peut parfois repérer par des successions de petits gobages discrets, mais rapprochés, qui crèvent la surface et avancent rapidement. Enfin, l’arc-en-ciel a une préférence marquée pour les petites proies. Les petites mouches sombres sont souvent un bon choix pour cette espèce. Toutes ces différences par rapport à la fario impliquent ainsi des ajustements pour ferrer cette belle truite très combative, à la défense souvent aérienne.
Grosses mouches pour les ombles de fontaine
Les ombles sont aussi souvent présents dans les lacs d’altitude. Le plus intéressant pour la mouche est indéniablement l’omble de fontaine. Il est souvent présent dans des lacs très pauvres et froids, généralement à des altitudes élevées. Toujours actif, très souvent orienté vers la surface, le saumon de fontaine est « taillé » pour la pêche à la mouche sèche. S’il peut être quasi boulimique lorsqu’il est petit, sa sélectivité augmente avec l’âge et les beaux sujets sont souvent plus méfiants et regardants. Par rapport à la fario, très active au lever du jour, l’omble de fontaine est moins matinal. Il préfère que la lumière soit installée et l’atmosphère un peu réchauffée pour se mettre en activité. Il patrouille alors le lac en petits groupes de quelques individus et la compétition joue à plein pour le pousser à se précipiter sur les proies qui se présentent. Il ne craint pas les mouches assez volumineuses, au contraire, à conditions ce pendant qu’elles flottent bas sur l’eau. Les modèles en mousse flottante ou en poil de cervidé sont alors très efficaces, les premières étant cependant plus du rables. Lorsqu’il hésite et dédaigne la mouche, un nouveau posé, légèrement plaqué, peut subitement le faire changer d’avis. Et il n’est pas rare de les voir sauter hors de l’eau pour retomber sur la mouche, façon spectaculaire de gober une proie, mais qui entraîne paradoxalement souvent des manqués si l’on ne ferre pas dans le bon timing. Lorsqu’il dédaigne les mouches en surface, une nymphe peut le décider. L’occasion alors de contempler cette unique et magnifique, arborant un mélange de teintes vert olive et de taches plus claires, rehaussées de touches de rose et de bleu au-dessus d’un ventre rouge-orangé.
Chevalier et cristivomer
Deux autres ombles vivent dans les lacs de montagne : l’omble chevalier et le cristivomer. Ces deux espèces présentent des mœurs relativement similaires et vivent la plupart du temps dans des profondeurs souvent trop importantes pour être pêchées à la mouche. Mais il existe des conditions dans lesquelles c’est possible. C’est particulièrement le cas des ombles chevaliers présents dans des petits lacs, qui croisent régulièrement en bordure et qui peuvent alors monter sur une sèche en début de saison, tant que les eaux restent froides. Mais ils atteignent rarement des tailles importantes dans ces petits milieux. Dans les grands lacs profonds où ils grandissent davantage, ils peuvent aussi, à cette même saison, se concentrer dans certains secteurs peu éloignés du bord, des arrivées d’eau par exemple, où l’on peut alors les pêcher en nymphe. Quant au cristivomer, il fait rêver par les tailles considérables qu’il peut atteindre (jusqu’à plus de 1 m pour les plus gros sujets !). Mais entre le fait qu’il vive surtout en profondeur et qu’il est très carnassier (surtout en grandissant), il n’est pas facile à prendre à la mouche. Il y a cependant, là encore, des conditions particulières dans lesquelles c’est possible. En début de saison par exemple, mais parfois aussi en d’autres occasions, notamment les jours de mauvais temps, il peut venir assez près du bord pour être pêchable avec une canne à mouche. En sèche parfois, en nymphe ou au streamer plus sûrement. S’il s’agit la plupart du temps de cristi de moins de 35 cm, on peut en observer de plus gros, voire de vrais gros. Mais les faire mordre est une autre histoire, et les mettre en sec plus encore.