Savoir pêcher à deux mouches est une corde de plus à son arc qu’il serait dommage de ne pas utiliser. Vous verrez que dans certaines situations, ces techniques peuvent vous sauver la mise!
1. Pêche en sèche-nymphe ou montage tandem
Bon nombre de pêcheurs à la mouche utilisent régulièrement le montage à deux mouches en employant une nymphe sous une sèche. La plupart du temps cette technique est employée en eau rapide, en torrent ou rivière de montagne, et permet de proposer aux poissons deux mouches à deux étages. Très souvent la sèche sert d’indicateur et soutient la nymphe mais pas obligatoirement. La nymphe « travaillera » entre deux eaux en réglant la profondeur de la potence au préalable, et celle-ci ne variera pas sauf si l’on refait le montage pour modifier la longueur de la potence. Cette technique fonctionne surtout sur des fonds réguliers et permet de prospecter rapidement et efficacement de grands secteurs et/ou sur des postes peu marqués. La sèche sert d’indicateur mais elle peut aussi être gobée si l’on choisit bien sa mouche. Dans ce cas, le choix de la sèche est important et doit être adapté en fonction du poids de la nymphe utilisée. Il est rare d’utiliser des nymphes très lourdes bien que certaines mouches, notamment en poils de cervidés ou en foam, peuvent soutenir un certain poids. J’ai beaucoup pratiqué cette technique dans les rivières rapides du grand ouest américain, en Patagonie ou en France en montage, où ce montage est terriblement efficace. Dans ces contrées, on utilise bien souvent des mouches en mousse imitant des insectes terrestres (scarabée, sauterelle, coccinelle…) qui soutiendront des nymphes de taille/poids important. J’ai pu prendre des très belles truites de cette façon que ce soit sur la sèche ou sur la nymphe. Néanmoins, il est possible de pêcher « léger » avec cette technique et d’utiliser de petites nymphes notamment l’été sous une sèche de taille « normale », qui n’est pas un « bouchon » ! Cela permet encore une fois de prendre des poissons à la fois en sèche mais aussi en nymphe quand les poissons ne sont pas très actifs en surface mais gobent occasionnellement. Par exemple, en période de mouche de mai, lorsque l’éclosion n’est pas encore bien installée, une nymphe de mai peu lestée sous un subimago de mouche de mai peut donner de très bons résultats ! Une ORL ou pheasant tail ou imitation de larve de trichoptère casquée sous un sedge peut également être très efficace lorsque les truites sont peu actives en surface. Certains jours, les deux mouches prennent autant de poissons. D’autres jours la sèche sert plus d’indicateur et/ou permet de proposer une nymphe et de prendre la majorité des poissons sous l’eau. J’utilise ces deux techniques régulièrement avec succès en Bretagne.
Avantages
Pêcher à la fois en surface et sous l’eau donc augmenter ses chances de capture. Permet de couvrir des secteurs vastes et réguliers en profondeur rapidement et efficacement. Technique idéale pour débuter en nymphe. Ludique car cela permet de prendre des poissons sur les deux mouches et/ou sur la nymphe en voyant sa sèche couler qui nous rappelle à tous nos débuts en pêche au coup !
Inconvénients
La nymphe pêche toujours à la même profondeur avec la potence fixée au préalable. Plutôt adaptée à des fonds réguliers que des secteurs avec d’importantes variations de profondeur. Un peu « lourd » et parfois difficile à lancer notamment pour un débutant ou lorsqu’il y a du vent. Moins précis et moins discret qu’à une mouche.
Quelles mouches ?
Sèche en eau rapide : Tavana, goddard caddis, gros CDC, terrestres ou mouche-indicateur. Sèche « légère » : toute imitation qui flotte haut et permet de soutenir de petites nymphes peu lestées : sedge, tricolore, palmer, gros CDC. Un montage parachute permettra d’augmenter la visibilité de la mouche notamment dans les courants. Nymphes : tout type de nymphes sauf les nymphes très lourdes en tungstène ou double bille. J’utilise souvent des pheasant tail et ORL casquées et larves de sedge. En pêche légère : des nymphes casquées légèrement, ou peu lestées, type ORL et pheasant tail avec petite bille laiton voire tungstène inférieur à 2, mais tout type de nymphe peut fonctionner.
Montage
Il faudra choisir la longueur de la potence en fonction de la profondeur moyenne du ou des spots de pêche. Celle-ci devra être judicieuse si l’on recherche les poissons sur la nymphe. Dans le cas d’une pêche plus légère, cette longueur pourra être plus importante que la profondeur si l’on souhaite présenter une nymphe peu ou non lestée entre deux eaux, loin derrière la sèche dans le cas où les poissons gobent peu et mais prennent assez près de la surface. Je monte souvent la seconde nymphe en utilisant un nœud coulant que je fixe sur la courbure de l’hameçon de la première mouche (si ardillon), en laissant dépasser 2 mm de fil, ce qui permet de défaire la boucle pour enlever la nymphe si les truites prennent surtout la sèche ! Je peux ensuite remettre la nymphe sans refaire de nœud.
2. Pêche à deux nymphes
Cette technique est très souvent employée lorsque l’on pêche en nymphe au fil. De plus en plus utilisée en rivière rapide, mais également dans des rivières de plus petites tailles en adaptant son matériel et montage. Cela permet aussi de mieux pêcher dans les courants profonds et puissants. C’est souvent une technique de début de saison lorsque les poissons se déplacent peu et sont près du fond. Dans les moyennes à grandes rivières, cela permet de pêcher en toute saison pour aller déloger les beaux poissons dans les trous, et courants puissants.
Avantages
Elle a de nombreux avantages qui sont les suivants. Elle permet d'abord de pêcher avec deux imitations différentes pour trouver le modèle du moment ou du jour, mais aussi de proposer deux nymphes à deux étages différents, de pêcher plus creux, d’utiliser la nymphe de pointe comme « lest » (mais qui peut prendre des poissons) pour proposer une imitation plus petite dans les forts courants.
Inconvénients
Cette technique se rapproche plus de la pêche au toc que de la pêche à la mouche car dans ce cas on utilise de grandes cannes (10 à 11 pieds en général), et on ne fouette pas mais on repositionne ses nymphes d’un seul geste. Pas adaptée à tous les types de postes et types de rivières. Très technique et nécessite d’avoir de l’expérience dans le choix des nymphes avec une bonne lecture de l’eau pour commencer à prendre des poissons.
Quelles mouches ?
Mouches de pointe : souvent ce sont des nymphes lisses, très peu fournies pour descendre vite dans la colonne d’eau de type perdigone, double-bille, nymphes lourdes en tungstène de tout type (pheasant tail, imitations de larve de sedge [hydropsyche et ryacophila]). Mais il est possible d’utiliser toutes sortes de nymphes si l’on pêche dans des rivières plus petites, ou moins rapides. Tout est possible. En potence : autre nymphe lestée en laiton ou tungstène plus petite et légère pour garder l’équilibrage et avoir une bonne présentation. Mais cela peut être aussi une nymphe non lestée, ou plus fournie pour imiter les larves ascendantes. Encore une fois tout est possible et c’est en testant et en s’adaptant que l’on trouvera les clefs de la réussite.
Montages
Il faudra bien entendu adapter votre montage en fonction de la profondeur des postes et mobilités des poissons, et bien entendu de la saison. L’espacement des nymphes sera dépendant de la température de l’eau et activité. Plus l’eau sera froide plus les mouches pourront être proches pour pêcher au ras du fond ou dans le cas de courants très puissants où l’objectif est de présenter deux nymphes proches du fond mais de différentes tailles ou modèles. Plus les eaux seront claires et/ou réchauffées, plus les nymphes seront espacées et généralement de taille réduite.
3. Pêches à deux sèches
Peu employée en France, cette technique a de nombreux avantages qui m’ont permis de prendre des poissons dans certaines situations et parfois de me sauver la mise. C’est le cas sur la Silver Creek dans l’Idaho, où j’ai appris cette technique grâce à un guide du Silver Creek Outfitters alors que je me cassais les dents sur des poissons qui gobaient des micromouches. Pour la petite histoire, les conditions étaient idéales. Une éclosion complexe se déroulait et de nombreuses espèces d’insectes sortaient mais une seule intéressait les truites qui étaient vraiment attablées. On voyait leur museau percer la surface sans arrêt à un rythme effréné ! Après avoir compris qu’elles gobaient de tout petits insectes olive clair, j’avais monté une mouche en taille 20 mais je prenais que des refus et je n’avais pas plus petit. Je longeais la rivière et tombe sur ce guide, qui, lui, avec sa cliente enchaînait les captures. Il me demanda rapidement ce que j’utilisais, et me dit : « vous avez vu juste niveau couleur et modèle, mais elles prennent du 26 ! ». Je lui répondis que je n’en avais pas dans mes boîtes et même si c’était le cas, comment pourrais-je la voir sur l’eau ! « En utilisant une grosse mouche (H18 !) comme indicateur, ajouta-t-il. Quand la truite gobera derrière votre mouche en H18, ferrez ! » Il me donna une de ces micromouche. Je courus sur un poste plus en aval, montai les deux mouches et pris quelques truites pendant 10 minutes avant que l’éclosion ne s’arrête ! En effet, dans ce cas de figure, l’imitation la plus grosse sert d’indicateur et permet de localiser sa micromouche et de voir le remous ou petit gobage quand elle est prise. C’est terriblement efficace.
Avantages
Dans d’autres cas de figure, utiliser deux mouches sèches présente de nombreux avantages qui sont les suivants. D'abord, pêcher avec deux imitations pour trouver la mouche qui fonctionne ou le stade mais aussi hauteur de flottaison dans le cas d’une éclosion complexe et des poissons sélectifs. J’ai souvent utilisé cette technique lorsque de nombreuses espèces d’insectes sont présentes sur l’eau. Cela m’a permis de trouver plus rapidement la mouche ou le stade que les truites prenaient. Parfois en utilisant un modèle flottant très bas (émergente) et une légèrement plus haut. Cela peut faire une grande différence dans certains cas. Autres avantages : simuler une éclosion en proposant à plusieurs reprises deux mouches identiques, augmenter ses chances lorsque les poissons gobent à un rythme bien précis et gobent une partie seulement des insectes sur l’eau tant ils sont abondants.
Inconvénients
Il y a une possibilité accrue de s’emmêler. Il n'est pas toujours facile de suivre ses deux mouches, il ne faut donc pas trop les espacer. La qualité de dérive et la présentation ne sont pas toujours évidente. Il faut bien positionner ses mouches dans la même veine.
Mouches
Clairement, il est possible d’utiliser tout type de mouches.
Montage
Je monte souvent la seconde mouche en utilisant un nœud coulant que je fixe sur la courbure de l’hameçon de la première mouche (si ardillon) ce qui permet de conserver l’alignement, donc d’être plus précis et d’éviter d’avoir un nœud de potence proche de ma mouche. Dans le cas contraire en utilisant un nœud de potence soit chirurgien soit nœud en 8. La distance entre les deux mouches devra être raisonnable. Très souvent de l’ordre de 50 cm à 1 mètre pour ne pas perdre de vue ses deux mouches, sauf si cas d’une micromouche (30 cm). Même taille de pointe pour garder une certaine solidité au ferrage et pendant le combat, sauf si la première mouche nécessite une pointe plus forte.
4. Pêche en noyée amont
Dans certains cas de figure la pêche en noyée aval n’est pas possible car la rivière est peu large pour prospecter correctement les veines de courant. C’est souvent le cas en petite rivière. La noyée amont permet de proposer deux mouches qui pêchent à deux hauteurs sans que ces modèles soient très lestés comme des nymphes souvent casquées. Cela permet également de faire plonger ses mouches et d’aller chercher des poissons un peu plus profonds tout en conservant des modèles vivants et imitant cette phase cruciale des nymphes qui montent dans la colonne d’eau avant l’émergence. Je m’en sers régulièrement dans les petites rivières bretonnes et dans ce cas de figure.