En France, les salmonidés sont essentiellement représentés par la truite fario, le saumon atlantique et l’ombre commun, trois espèces natives de nos eaux. Mais elle compte également deux autres sous-familles, à la répartition plus restreinte : celles des corégones, présents dans les grands lacs alpins, et des ombles (genre Salvelinus). Groupe important, les ombles présentent une morphologie proche de celle des truites et des saumons. Mais on les distingue facilement par leur ponctuation qui, à l’inverse des truites et des saumons, est plus claire que la robe d’ensemble. En bons salmonidés, ce sont des carnivores, se nourrissant d’insectes, de crustacés et de petits poissons. Leurs intérêts culinaire et halieutique font qu’ils sont depuis toujours très recherchés par les pêcheurs. C’est pour cette raison que, présents exclusivement dans l’hémisphère Nord à l’origine, ils ont fait l’objet de nombreuses introductions dans différentes régions du monde, y compris dans l’hémisphère Sud, au Chili et en Argentine notamment. Les ombles comptent près d’une dizaine d’espèces, dont trois présentes chez nous.
L'omble chevalier
L’omble chevalier (Salvelinus alpinus) est la seule espèce originaire de nos eaux, plus précisément des grands lacs alpins où elle a trouvé refuge après la dernière période glaciaire il y a plus de 10 000 ans. Elle est exploitée par les pêcheurs professionnels, mais aussi très recherchée par les pêcheurs à la ligne utilisant pour cela des techniques de traîne profonde et parfois des pêches verticales très spécifiques, avec des imitations de chironomes. Dans ces grands lacs, l’omble chevalier vit en bancs dans des profondeurs plus ou moins importantes. Certains groupes se nourrissent beaucoup de crustacés planctoniques, alors que d’autres ciblent plutôt des larves d’insectes (chironome surtout) ou de petits poissons fourrages.
Un siècle de présence
L’omble chevalier a fait l’objet, dans la première moitié du XXe siècle, d’introductions dans différents lacs d’altitude des Alpes, du Massif central (lac Pavin, par exemple) ou des Pyrénées, où il s’est naturalisé grâce à son aptitude à se reproduire dans des éboulis rocheux au fond des lacs. Dans ces plans d’eau, de dimensions plus modestes que celles des immenses réserves alpines, l’omble chevalier peut se pêcher de façon plus classique. On le cherche ainsi à fond aux appâts, aux leurres, au vairon et même à la mouche dans les plus petits lacs où il peut se nourrir sur des bordures assez peu profondes. Cette espèce compte pour les pêcheurs de lacs de montagne. Typiquement lacustre chez nous, l’omble chevalier est volontiers migrateur sous les hautes latitudes (Canada, Islande, Gröenland, Norvège), cherchant en mer une nourriture plus riche et abondante que celle des lacs et rivières. Ces migrateurs peuvent alors atteindre des tailles nettement plus élevées, les plus gros spécimens se trouvant dans le nord du Canada (Nunavik, Nunavut, nord du Québec). Sous ces latitudes, l’omble chevalier peut se reproduire en eau courante, où il creuse des frayères semblables à celles de la truite. Espèce d’eau très froide, ce poisson est extrêmement menacé par le réchauffement climatique. Dans le lac Léman, les scientifiques estiment qu’il ne pourra plus se reproduire si la température des eaux profondes atteint 7 °C. Il pourrait ainsi voir son aire de répartition se contracter fortement au cours des prochaines décennies.
Le cristivomer
Le cristivomer (Salvelinus namaychush) a été introduit au début du XXe siècle, depuis l’Amérique du Nord d’où il est originaire. Typiquement lacustre, il est présent et se reproduit dans des lacs d’altitude alpins ou pyrénéens et, plus récemment, dans quelques plans d’eau du Massif central. Le cristivomer peut atteindre des tailles considérables dans les immenses lacs canadiens – le record mondial serait de 46 kg ! – grâce à une longévité record car il peut vivre plus de quarante ans. Sous nos latitudes, il fréquente des milieux bien plus pauvres, mais cette belle longévité lui permet d’atteindre des tailles proches du mètre. La pêche de cette espèce très lucifuge, vivant le plus souvent en profondeur, n’est jamais facile et réclame abnégation et ténacité. On le traque principalement aux leurres (jigs, ondulantes) ou au vairon manié, en insistant et en pêchant très près du fond. C’est en début de saison, juste entre le dégel des lacs et le début du réchauffement de leurs eaux que les chances sont toujours les meilleures.
L'omble de fontaine
L’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) est un poisson de tête de bassin, originaire de la côte est de l’Amérique du Nord. Introduit en France au début du XXe siècle, il est toujours utilisé dans certains départements montagneux pour aleviner lacs et torrents d’altitude. S’adaptant très bien aux très basses températures, ses facultés de survie et de croissance sont supérieures à celles de la truite. L’espèce parvient à se reproduire dans quelques sites précis et restreints, notamment dans les Pyrénées, particulièrement dans de très petits cours d’eau issus de résurgences. Mais les populations sont alors souvent assez réduites. Paré d’une sublime robe ornée notamment de points bleu et rose, l’omble de fontaine est très amusant à pêcher, avec les mêmes techniques que la truite. C’est une bénédiction pour les moucheurs, car il maraude souvent en surface en quête d’insectes. Mais la pêche aux leurres est également très efficace car ce poisson peut être vorace. Si les petits individus sont faciles à prendre, il en va autrement des sujets plus âgés, qui peuvent dépasser les 40 cm, nettement plus difficiles à tromper. Dans son aire d’origine, l’omble de fontaine peut migrer en mer, où il atteint alors des tailles bien plus importantes qu’en eau douce. C’est notamment le cas dans les rivières de la côte est du Canada et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Et les autres
Outre ces trois espèces présentes en France, la famille des ombles en compte d’autres, intéressantes pour la pêche. Le Dolly Varden (Salvelinus malma), très proche de l’omble arctique (omble chevalier migrateur) vit dans les fleuves se jetant dans l’océan Pacifique. Il est abondant en Alaska, au Canada (Yukon, Colombie britannique) et en Russie. Il suit les migrations de saumons pour se gaver de leurs œufs non enfouis dans les graviers. En rivière, les Dolly arborent des robes aux teintes rouge-orangé, avec des nuances de vert et parfois de noir, absolument magnifiques. On le capture souvent en cherchant le saumon. L’omble à tête plate (Salvelinus confluentus) ou bull-trout en anglais, proche du Dolly Varden, est un migrateur qui fréquente, lui, les rivières de la côte ouest de l’Amérique du Nord. L’omble à bouche jaune (Salvelinus levanidovi) est très proche lui aussi des Dolly Varden, dont il n’a en fait été différencié qu’en 1984. Cette espèce vit dans les rivières de la côte est de la Russie. L’omble à taches blanches (Salvelinus leucomaenis), plus connu sous le nom de Kundja, est présent dans les fleuves qui rejoignent la mer d’Okhotsk, à l’est de la Russie aussi. C’est un trophée qui fait rêver, à la fois par sa beauté, sa rareté mais aussi par la taille importante que peut atteindre cet omble si particulier.
Des robes incroyables
La plupart des salmonidés arborent des robes nuptiales magnifiant leurs couleurs. Mais que dire de celles de certains ombles ? Elles sont simplement incroyables de beauté, car elles mêlent des couleurs rarement observées chez les poissons d’eau froide. Ce sont tout simplement de pures merveilles de la nature !
De sacrés résistants
Les ombles peuvent s’adapter à des milieux très froids, dans des conditions environnementales très rigoureuses, ce qui leur permet d’occuper les habitats les plus septentrionaux des salmonidés. Outre cette aptitude, ces poissons se spécialisent souvent dans des ressources trophiques et des habitats précis, ce qui favorise sur la durée les phénomènes de spéciation.