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Les réserves de pêche en 1ère catégorie sont-elles vraiment utiles ?

Les réserves de pêche sont très nombreuses sur notre réseau de première catégorie. Sont-elles toujours utiles et réellement efficaces ? 

Crédit photo Marc Delacoste
L’instauration de réserves fait partie des mesures souvent mises en place en première catégorie, avec pour objectif de protéger les poissons, en empêchant leur capture, ou de redynamiser des populations un peu affaiblies. Certains gestionnaires, prenant exemple sur les zones marines protégées, plébiscitent par ailleurs le principe de réserves tournantes. Notre ami Marc Delacoste fait ici le point sur la pertinence et la réelle efficacité de toutes ces mesures.

Quand on parle de réserves de pêche, il faut distinguer plusieurs cas de figure. Certaines sont souvent instaurées au niveau des seuils et des chaussées, particulièrement sur les rivières à migrateurs. Ces obstacles créent en effet des blocages ou des ralentissements de migrations. Elles génèrent donc des concentrations de migrateurs trop vulnérables. La mise en réserve est ici d’une utilité indéniable. Comme le sont également celles mises en place pour protéger une frayère exceptionnelle et localisée. C’est surtout intéressant pour protéger les poissons en période de reproduction et donc peu pertinent avec la truite fario, qui se reproduit lorsque la pêche est fermée.

Des réserves permanentes

Le Code de l’environnement, par son article R436-70, instaure très précisément des zones permanentes de réserve de pêche dans les dispositifs destinés à assurer la circulation des poissons, dans les ouvrages construits dans le lit même d’un cours d’eau ainsi que dans les pertuis, vannages et autres passages d’eau aménagés circulant à l’intérieur de bâtiments.

Temporairement, des réserves peuvent être instaurées sur des frayères exceptionnelles pour assurer l’avenir des espèces se reproduisant en périodes d’ouverture comme c’est le cas de l’ombre par exemple. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Protéger

Mais le concept de réserve prend toute son importance avec des espèces comme l’ombre commun ou la truite arc-en-ciel, dans les quelques secteurs qui abritent des populations sauvages. C’est par exemple le cas des lacs du Carlit, dans les Pyrénées-Orientales, où affluents et émissaires sont classés en réserve. Il suffit alors de mettre en place la réserve durant la période de reproduction, deux à trois mois. On instaure aussi des réserves pour protéger les juvéniles dans des nurseries, comme certains affluents ou des ruisseaux pépinières. On pourra objecter ici que ces juvéniles à protéger n’atteignent par définition pas la taille légale et ne devraient donc pas être prélevés. Que ces mises en réserve favorisent en outre la présence de belles truites, qui elles exercent compétition et prédation sur ces jeunes qu’on souhaite protéger. C’est donc une mesure dont la pertinence peut sans doute se discuter, au cas par cas, en fonction des sites et de leurs caractéristiques.

L’article R436-70 du Code de l’environnement interdit en toutes circonstances la pêche dans les dispositifs de franchissement des obstacles construits dans les cours d’eau. Ce qu’on appelle des réserves permanentes.
Crédit photo : Marc Delacoste

Réouvertures difficiles

Des réserves peuvent aussi être mises en place après des événements catastrophiques ayant impacté une population de truites (pollution, crue exceptionnelle), de manière à favoriser sa reconstitution plus rapidement. La mesure peut être efficace mais pose problème à la réouverture de la pêche. Les truites, naïves car non pêchées, sont alors très vulnérables et les prélèvements peuvent être très importants. C’est le cas à chaque ouverture de réserve pouvant aller jusqu’à annuler tout bénéfice. Pour cette raison, l’instauration d’une période transitoire en no-kill est souvent souhaitable, voire la mise en no-kill du secteur d’entrée, en lieu et place de la réserve.

Tout obstacle peut créer une concentration de migrateurs et faciliter leur capture. Y interdire la pêche à proximité permet d’éviter les excès. 
Crédit photo : Marc Delacoste

Objectif reproduction

Si ces différents types de réserve peuvent se révéler relativement pertinents, ce n’est pas le cas des réserves instaurées en zones classiques et qui ont comme objectif de protéger des géniteurs afin de maximiser la reproduction pour au final augmenter la densité de truites. C’est le cas le plus fréquent des réserves instaurées sur nos rivières, maintes fois étudié et évalué. Et là, les études démontrent le plus souvent… leur inefficacité ! Si dans un premier temps, le nombre de truites adultes augmente, les populations de juvéniles diminuent du fait des mécanismes de compétition. Et au final, la densité de truites n’augmente même pas.

Les réserves aideront au maintien des belles truites, mais pas des juvéniles qui, souffrant de la compétition, y seront moins nombreux.
Crédit photo : Marc Delacoste

Vieilles truites

En effet, une population de truites, tributaire de l’habitat et de la capacité d’accueil du milieu, ne peut pas grossir indéfiniment. Lorsque celleci est à son maximum, le nombre de truites n’augmente plus et les individus dominants occupent la place, empêchant l’installation de plus jeunes. Au final, ce genre de réserve aboutit à un vieillissement de la population et à une augmentation de la biomasse (poids total des truites). Mais le nombre de truites lui n’augmente pas, voire diminue sous l’effet de la réduction du nombre de juvéniles. Penser que les géniteurs protégés dans cette réserve pourraient avoir un effet déterminant sur l’ensemble de la rivière est une vue de l’esprit. Il suffit de comparer leur nombre dans une réserve classique de quelques centaines de mètres (quelques dizaines ou centaines tout au plus) et celui de l’ensemble d’une rivière de plusieurs kilomètres (plusieurs milliers), pour comprendre que cet effet est négligeable. Ce genre de réserve produit donc quasiment toujours le même résultat : il n’augmente pas le nombre total de truites mais simplement la proportion de truites âgées.

Des réserves peuvent être instaurées sur des nurseries, très favorables aux juvéniles. Mais il faut prendre en compte que la présence de belles truites accentue la prédation. Le calcul n’est en fait pas si rentable. 
Crédit photo : Marc Delacoste

On peut aussi adopter une approche purement halieutique et considérer l’augmentation de truites de belle taille comme un aboutissement. D’ailleurs, les pêcheurs en profitent lors de la réouverture. Mais ce bénéfice dure très peu. Les captures sont nombreuses dans les premiers jours mais le nombre de beaux poissons diminue très vite. Une étude réalisée dans les Hautes-Pyrénées, après ouverture d’une réserve, a montré que le nombre de truites maillées était passé de 196 à 27 sur 100 m après seulement deux semaines de pêche. Bilan : plusieurs années de fermeture pour un bénéfice qui ne dépassait pas deux semaines puisque le nombre de truites maillées était devenu inférieur à celui des secteurs restés ouverts à la pêche. C’est pour ces mêmes raisons que le système de réserve tournante – une sorte de jachère consistant à mettre en réserve un secteur pendant quelques années puis à l’ouvrir en instaurant une réserve sur un autre –, n’est bénéfique ni pour les pêcheurs ni pour la population de truites. Tout comme transposer le principe des zones marines protégées à nos rivières n’est pas pertinent. On sait que les prélèvements et les effets sur les populations de poissons par la pêche professionnelle aux engins sont sans commune mesure avec ceux dus aux pêcheurs à la ligne, lesquels impactent surtout l’abondance de poissons adultes. On ne peut comparer un océan, à la capacité d’accueil quasi illimitée, avec une rivière à truite, espace infiniment plus restreint. Et fermer la pêche sur des linéaires plus importants ne fait que concentrer la pression de pêche sur le reste du réseau pêchable, ce qui augmente l’effet négatif d’une telle mesure.

Une réserve favorise un net vieillissement, augmentant les densités en beaux spécimens qui vont exercer une forte pression sur les juvéniles.
Crédit photo : Marc Delacoste

Abandonné

En dehors des réserves sur obstacles, dont l’utilité n’est plus à démontrer dans les rivières à migrateurs, le principe le plus courant ne fonctionne pas la plupart du temps, comme le montrent les résultats de différentes études. Le principe de réserves tournantes, testé dans différents départements, a d’ailleurs été abandonné depuis. Les réserves de pêche ne font en fait que compliquer la pratique de la pêche, en particulier sur les rivières inconnues où il est très facile de se retrouver en infraction sans l’avoir voulu. Quitte à compliquer les choses, autant que cela apporte un vrai bénéfice. Mais le plus souvent, hélas, c’est bien loin d’être le cas !

Des réserves éducatives

L’instauration d’une réserve dans une portion de cours d’eau traversant une agglomération permet à tous ceux qui s’y promènent d’observer les truites, dont souvent des spécimens de très belles tailles, fréquemment actives car laissées en paix. Il suffit d’en fréquenter régulièrement pour constater leur vrai succès avec les badauds et leur indéniable qualité éducative.

Dans un secteur mis en réserve, les poissons perdent toute méfiance. Leurs captures, trop faciles et nombreuses à la réouverture, annulent en quelques jours tout le bénéfice de la réserve.
Crédit photo : Marc Delacoste

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