Jusqu’à un passé récent, les pêcheurs au toc n’avaient pas trop de questions à se poser. Ils pêchaient aux appâts naturels, fondement de la technique, sur lesquels reposaient non seulement son efficacité, mais aussi la confiance qu’elle inspirait. Leur seule question les concernant tournait donc autour de l’appât à choisir, question assez simple à l’ouverture, pour laquelle trois appâts – ver, teigne et larves aquatiques – suffisent pour faire face à la plupart des situations. Les nymphes et appâts artificiels offrent, depuis quelques temps, de nouvelles opportunités au pêcheur.
Praticité
Du point de vue de la praticité, l’avantage va sans surprise à l’artificiel. Nymphes et appâts synthétiques n’ont guère d’exigences particulières question conservation. Ils peuvent être achetés facilement chez tout bon détaillant ou montés bien à l’avance pour les nymphes. Ils sont toujours prêts dans leur boîte ou sachet. Il faut reconnaître que c’est diablement pratique! Les appâts naturels sont plus contraignants. Certains s’achètent (ver et teigne), mais d’autres, comme les larves aquatiques, doivent être récoltés, ce qui prend du temps. Quant à la conservation, elle est encore plus compliquée. Vers et teignes se conservent assez bien dans le bas d’un réfrigérateur, mais doivent être tenus loin de toute source de chaleur excessive, ce qui peut comprendre la voiture elle-même s’il fait très beau le jour de l’ouverture. Les larves aquatiques sont difficiles à conserver, ce qui implique de les récolter le jour de la pêche ou la veille.
Efficacité et conditions de pêche
La question de l’efficacité n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît. On pourrait être tenté de répondre que les appâts naturels sont forcément plus efficaces. Mais c’est faux, ou du moins pas si simple. Tout dépend en effet quel appât, à quel moment et dans quelles conditions. Dans des eaux-fortes et/ou plus ou moins teintées, le ver est imbattable. Son volume et ses effluves font une réelle différence et le rendent incontournable! Les bons modèles de vers synthétiques sont également prenants dans ces conditions, mais il faut l’avouer, moins que les naturels. Quant aux nymphes artificielles, fonctionnant essentiellement sur des signaux visuels, elles sont malheureusement très peu efficaces dans l’eau teintée.
En eau claire
Dans des eaux basses et claires, en revanche, la donne change. Le ver reste efficace à condition qu’il ne soit pas trop gros, mais les truites peuvent préférer des proies évoluant de manière légèrement décollée du fond ou de petite taille. En début de saison, c’est particulièrement vrai en milieu de journée, créneau préférentiel pour les éclosions. Les appâts de faible densité sont alors excellents. La teigne est un bon choix, mais sa taille relativement conséquente peut être un frein sur des truites éduquées, comme on en rencontre en grande rivière. Les larves aquatiques, comme la patraque, sont alors nettement supérieures, mais leurs contraintes (récoltes, conservation) font qu’elles sont assez peu utilisées. Les nymphes artificielles sont ainsi une bonne alternative. Elles ne sont pas plus efficaces que des larves naturelles, mais elles supplantent souvent un appât comme le ver dans ces conditions. Si les eaux sont très froides, les truites montrent peu d’entrain et les périodes d’activité sont courtes. La réussite passe souvent par une présentation au ras du fond, lente et insistante, notamment au plus près des abris, où une proie restant longtemps peut parvenir à faire sortir une truite hésitante. Dans ce cas, le ver reste incontournable, en proportionnant sa taille au débit (petit débit = petit ver, et vice versa). Mais la teigne ou des nymphes de taille moyenne (hameçon n° 12 à 14) à corps ébouriffé doivent être essayées lors du créneau des éclosions en milieu de journée.
Petite rivière
D’une manière générale, les appâts naturels sont imbattables dans les petits parcours (ruisseaux, torrents et petites rivières), mais plus contestés par les nymphes artificielles en rivière. Cette situation tient sans doute à la fois au plus grand opportunisme des truites en petit milieu, mais aussi à la configuration des postes qu’on y rencontre, de petites dimensions et qui favorisent les appâts naturels. En rivière, en revanche, d’autant plus qu’elles sont grandes et que les truites sont sélectives, les nymphes artificielles peuvent se révéler plus prenantes que les appâts.
Le prix des leurres
Du point de vue du coût, avantage aux appâts naturels sans contestation possible, et plus encore pour ceux qu’on récolte. Nymphes artificielles et appâts synthétiques sont évidemment plus chers, sans que cela n’atteigne cependant les sommets que peuvent connaître certains leurres. Le coût peut être tout à fait justifié lorsque l’efficacité est au rendez-vous et que leur utilisation apporte un avantage, ce qui est le cas des nymphes artificielles dans certaines conditions.
Focus : les appâts synthétiques
On trouve désormais des appâts synthétiques relativement variés (ver, teigne, larves aquatiques), dont certains sont criants de vérité (OSP). L’intégration d’attractant lors de leur fabrication est un point essentiel pour leur efficacité, les truites goûtant peu l’odeur du plastique. Mais l’ajout d’attractant en cours de pêche est important, comme l’a montré Thierry Bruand dans son excellent article d’octobre 2023. Malgré cela, l’efficacité de ces appâts synthétiques n’égale pas toujours celle des appâts naturels ni celle des nymphes artificielles. Leur côté pratique les rend cependant intéressants, surtout dans les petits milieux.